En partenariat avec l'Inrap, la DRAC Auvergne - Rhône-Alpes et le groupe APRR, le musée Bargoin présente « Le temps de la Méridienne, 5000 ans d’histoire sous l’autoroute A75 ». Commissaire d'exposition générale et directrice adjointe-responsable du département archéologie du Musée Bargoin, Marie Bèche-Wittmann, revient sur les fouilles de l'A75 qui ont renouvelé la connaissance de ce territoire du Néolithique au second âge du Fer.

Dernière modification
27 juillet 2023

Pourquoi cette expo « La Méridienne » ?

Le musée Bargoin a pour vocation de présenter l’histoire du territoire, le bassin clermontois et plus généralement le Puy-de-Dôme, du Paléolithique à l’Antiquité. Dans notre parcours permanent, l’Antiquité est très présente et notre dernière exposition d’archéologie se consacrait à des fouilles menées au nord de Clermont-Ferrand principalement sur les périodes gauloises et romaines. Dans nos expositions, nous essayons toujours de présenter l’actualité des fouilles archéologiques. Cette fois, il n’y a pas de vestiges de l’Antiquité : nous présentons les fouilles qui ont été menées de 2018 à 2020 sur une très grande superficie à l’occasion de l’élargissement de l’autoroute A75, qui ont permis d’ouvrir de nouvelles fenêtres sur l’occupation de ce territoire du Néolithique à la période gauloise, qui sont des périodes peu connues du grand public notamment l’âge du Bronze. Nous souhaitions rendre compte assez rapidement de ces nouvelles données auprès du public, même si les rapports d’opérations ne sont pas encore rendus et que les études sont toujours en cours. Les gens ne mesurent pas toujours le temps de travail et d’analyse des données, mais ils sont très demandeurs et viennent souvent au musée pour s’informer sur l’actualité des découvertes.

Expo A75

Vue de l'exposition "Le temps de la Méridienne, 5000 ans d'histoire sous l'autoroute A75" au musée Bargoin à Clermont-Ferrand.

© M. Bèche-Wittmann

Comment avez-vous élaboré le parcours de l’exposition ?

J’ai assuré le commissariat général avec ma collègue Marion Veschambre-Patrac, qui est chargée des collections archéologiques au musée. Nous nous sommes entourées de 7 commissaires scientifiques : les responsables d’opération de l’Inrap : Frédéric Prodeo, Ivy Thomson, Jean-Michel Treffort, Florian Couderc ainsi que Yann Deberge (Inrap), le responsable de secteur de Pontcharaud et deux spécialistes des périodes anciennes du Service régional de l’archéologie, prescripteurs des fouilles  : Christophe Gilabert et Fabien Delrieu. Sur quatre sites et sur une chronologie aussi longue, il était important de recueillir toutes ces expertises afin d’élaborer un scénario qui puisse montrer les découvertes principales et qui soit compréhensible pour le public. La difficulté était qu’il y avait plusieurs sites, géographiquement distincts : Pontcharaud sur la commune de Clermont-Ferrand, Le Péretine et La Jonchère sur la commune du Crest, et le site du Douleix sur la commune de Veyre-Monton. Comme il s’agissait de travaux d’élargissement de l’autoroute ce sont de grandes surfaces, en particulier le site du Douleix et de Pontcharaud. Le site de Pontcharaud est un peu particulier car il prolonge des sites connus dans le secteur : une nécropole du Néolithique et l’agglomération de plaine « d’Aulnat » de l’âge du Fer, qui précède les oppida de Gongole, Corent et Gergovie. Entre Pontcharaud et Veyre-Monton il y a environ 12 km, mais les sites du Douleix, du Péretine et de La Jonchère se tiennent dans un mouchoir de poche, dans 1 km2. Il s’agissait sans doute des mêmes populations de part et d’autre de l’autoroute. On peut par exemple imaginer que les habitants de l'âge du Bronze de La Jonchère et du Péretine enterraient leurs morts sur le site du Douleix. Notre parti pris a été de présenter l’occupation de ce territoire à travers plusieurs sites, dans un parcours chronologique.

Quelle est la particularité de ce territoire ?

Au Néolithique, à Pontcharaud, les architectures funéraires pourraient correspondre à des types provenant de différentes cultures, différents lieux. Il y a une grande variation au sein d’une même période. Au cours du Néolithique par exemple, on note des influences tantôt du midi, tantôt du bassin parisien, des Alpes, de la Bourgogne ou de l’ouest. On se trouve devant une culture très spécifique et très mélangée. L’étude de la céramique révèle des facies différents entre le nord et le sud du département. On pourrait presque parler pour le Néolithique et l’âge du Bronze d’une culture différente, parce qu’il s’agit d’une zone de rencontre. C’est ce qui est très intéressant en Auvergne : c’est une zone de jonction. Cela avait donc beaucoup de sens de parler de cet axe de circulation de l’A75, car c’est un axe qui pérennise un axe nord sud qui existait déjà dès le Néolithique.

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Vue aérienne des sites de Péretine et La Jonchère.

© P.Busser, APRR

Comment s’organise ce parcours ? Quels objets présentez-vous ?

Le parcours commence dès le parvis du musée où nous présentons une tombe néolithique avec une architecture en encorbellement, en pierres sèches, fouillée à Pontcharaud, qui n’a pas de précédent en Auvergne. D’environ 2,50 m sur 1,70 m, elle contenait trois défunts. Nous nous sommes organisés avec l’Inrap, le Service régional de l’archéologie et des tailleurs et sculpteurs de pierre dont un Meilleur ouvrier de France (MOF), spécialisé dans l’architecture en pierres sèches pour que cette tombe soit prélevée et remontée à l’identique devant le musée. C’est notre « produit d’appel ». Les gens s’interrogent, rentrent dans le musée mais peuvent aussi admirer cette tombe sur le parvis sans être obligés de rentrer dans le musée. Pour des raisons de poids et de transport, les menhirs sont présentés au rez-de-chaussée, dans le hall du musée. À l’étage, une grande salle unique sert d’introduction à l’exposition. Chaque site est présenté sous forme d’îlots positionnés sur le tracé de l’autoroute reproduit en grand au sol. Sur chaque îlot, « une fiche d’identité » indique la durée, l’étendue et les enjeux de chaque fouille et les principales découvertes. Une carte, une grande chronologie et une vidéo de survol de l’autoroute donnent le contexte géographique et historique de ces opérations archéologiques.

Au second étage, un premier pallier se consacre à des photos de fouille et de post-fouille et au travail des archéologues, suivi d’un second pallier où l’on a souhaité à travers une série de questions mettre les visiteurs dans les conditions où se trouvent les archéologues en cours de fouille. Suivent les sections Néolithique, âge du Bronze et âge du Fer présentant les principales découvertes. Environ 300 objets sont présentés sur une surface de 370m2. Maquettes, vidéos 3D et illustrations complètent la présentation. Certaines découvertes qui sont présentées dans l’exposition sont importantes et inédites pour l’Auvergne : les alignements de menhirs et la stèle féminine néolithiques du Douleix, les architectures funéraires néolithiques de Pontcharaud, une exceptionnelle hache polie naviforme (en forme de navire) qui vient probablement de Suisse (rives du lac de Neuchâtel), la sépulture monumentale de l’âge du Bronze moyen du Douleix ayant nécessité l’apport de trente tonnes de pierres, le phénomène de l’inhumation des nourrissons dans des jarres découvertes au Péretine au Bronze ancien, les habitats de l’âge du Bronze de La Jonchère…

Comment l’âge du Fer est-il représenté sur ce territoire ?

La période gauloise, au second âge du Fer, se concentre sur le site de Pontcharaud et la fouille d’un nouveau « quartier » de l’agglomération gauloise dite d’« Aulnat », notamment sa nécropole d’une cinquantaine d’individus et le mobilier très divers associé à chaque tombe. L’habitat et les témoignages d’activités domestiques ou artisanales sont également évoqués à travers des meules, de l’armement, des objets liés à la forge, au travail du bronze et de l’or, au travail de tabletterie, de la vaisselle, très diversifiée, de la parure avec des bracelets en schiste et en verre, des fibules en bronze, en fer, de la menue monnaie. Nous avons aussi voulu mettre en évidence dans cette section les échanges avec la Méditerranée. Nous sommes au IIe siècle av. J.-C. et la céramique campanienne, des pigments de bleu égyptien, un bracelet en ivoire venant soit d’Afrique, soit d’Asie, des amphores pour la consommation du vin et des tuiles romaines indiquent bien que l’on n’a pas attendu la colonisation romaine pour commercer avec la Méditerranée et adopter certains aspects du mode de vie romain. A Pontcharaud, nous avons eu aussi la chance que des coffrages en fond de puits aient été préservés par la nappe phréatique. Avec l’aide du menuisier du musée, nous avons restitué un cuvelage de puits et différents assemblages de bois.

Comment s’est déroulée votre coopération avec APRR ?

Ce sont de vrais partenaires qui avaient à cœur de présenter les découvertes et qui ont voulu porter un fort accent sur la pédagogie. Ils ont ainsi financé la vidéo de survol de l’autoroute, présentée au premier étage, dans laquelle on voit en vue aérienne les sites, et en superposition les zones fouillées par l’Inrap. Ce sont également eux qui ont financé les trois maquettes que nous présentons dans l’exposition notamment celles figurant les habitats fouillés sur le site de la Jonchère. L’une d’elle présente un habitat autoportant sur sablière basse avec des poutres empilées datant de l’âge du Bronze moyen. Une autre présente un deuxième type d’habitat sur poteaux porteurs, avec murs en torchis, datant de l’âge du Bronze final. Il est rare de réunir des aménageurs, des opérateurs, l’État et les collectivités, travaillant main dans la main pour présenter le fruit des recherches archéologiques. Nous sommes heureux d’avoir pu, au travers de ce long panorama couvrant 5000 ans d’histoire, donner aux gens une idée de comment on vivait sur leur territoire.

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"Le temps de la Méridienne, 5000 ans d’histoire sous l’autoroute A75", une exposition à découvrir au musée Bargoin à Clermont-Ferrand jusqu'au 19 mai 2024.

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