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Et la momie cria, cria...
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Patrice Georges, archéo-anthropologue à l’Inrap, spécialiste des momies.
Que sont les momies, si ce n'est la recherche de l'immortalité spirituelle ou matérielle ? Pour mieux comprendre les imaginaires des sociétés passées, leurs croyances, leurs rituels... Direction le muséum de Toulouse où se tient une très belle exposition, "Momies, corps préservés, corps éternels".
L’année 2022 a marqué, tout à la fois, le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par J.F. Champollion, dont le magazine de l'archéologie de France Culture s'est fait l'écho récemment, et le centenaire de la découverte du tombeau de Toutânkhamon.
Victor Hugo écrivait « La mort c’est l’élargissement dans l’infini » dans L’homme qui rit, en1869. Depuis des millénaires, nos sociétés humaines dans toute leur diversité, à travers le temps et l’espace, se sont interrogées sur ce qu’il advenait des vivants après leur mort. En quelques décennies, nos sociétés ont connu de profondes mutations dans l’appréhension de la mort et de la fin de vie. Paradoxalement, la mort reste taboue, soit par la dissimulation, soit par l’excès.
On sait que l’homme de Neandertal enterrait ses morts. Depuis la nuit des temps, toutes les sociétés humaines se sont penchées sur le sujet et ont interrogé la mort. Célébrer le rite, c’est reconnaître que le défunt fait partie de l’humanité.
Bien entendu, les momies ne sont pas le seul apanage de l'Egypte, loin s'en faut ! Qu’il s’agisse de momies artificielles, témoins de rites funéraires anciens, de momies naturellement formées dans des contextes environnementaux ou climatiques particuliers, ou encore de momies utilisant des techniques de conservation contemporaines, à travers cette exposition, on s’intéresse à la conservation des corps, qu’ils soient humains ou animaux.
Statuette funéraire Chancay (Cuchimilco), (1000-1450), Pérou, côte centrale.
- © Daniel Martin / Muséum de Toulouse
Momies artificielles, momies naturelles
La momification est indissociablement liée aux rites funéraires des Égyptiens de l’Antiquité. Mais la pratique visant à préserver les corps de la décomposition se retrouve, selon différentes techniques opératoires, dans de nombreuses cultures et civilisations anciennes. Des premières tentatives chez les indiens Chinchorros, il y a plus de 7 000 ans, aux momies andines du Pérou, des momies guanches des Canaries en passant par les corps préservés de Papouasie Nouvelle-Guinée, la volonté de conserver une certaine intégrité physique des disparus est plus répandue qu’on pourrait le penser.
Les facteurs environnementaux et climatiques participent grandement à la décomposition des corps. Mais dans des contextes très particuliers, les processus d’altération sont fortement ralentis, voire stoppés. Il en résulte des découvertes archéologiques exceptionnelles à même d’éclairer les modes de vie des hommes du passé ou les caractéristiques d’espèces aujourd’hui disparues.
Que ce soit par l’action du froid, de la sécheresse, du manque d’oxygène, de la salinité ou de l’acidité des milieux, le passé nous est révélé, comme l'homme de Tollund, découvert dans des tourbières du Danemark, par exemple. Mais l’équilibre précaire de ces conditions peut être mis à mal par les changements climatiques qui entraîneraient inéluctablement la reprise des processus de décomposition des cadavres. Le réchauffement généralisé représente ainsi, avec le recul des glaciers ou la fonte du pergélisol, par exemple, une opportunité de nouvelles découvertes, comme Ötzi, retrouvé dans un glaciers entre l'Italie et l'Autriche, en 1991.
L'homme de Tollund, retrouvé conservé dans de la tourbe, dans le Jutland au Danemark. (405-380 avant notre ère)
© Getty - © Tim Graham / Coll. Getty Images News
Le Magazine de l'archéologie de France Culture s'intéresse à tous ces procédés de momification avec Patrice Georges, responsable de recherches archéologiques à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), spécialisé dans l’étude des pratiques funéraires, membre du laboratoire TRACES de l'Université de Toulouse Jean Jaurès et Président du conseil scientifique de cette exposition.
Spécimens d'animaux conservés en fluides (Collections du Muséum de Toulouse).
- © François Louis Pons, Muséum de Toulouse
>>> A visiter, la très belle exposition Momies, corps préservés, corps éternels, présentée jusqu'au 2 juillet 2023 au Muséum de Toulouse. Sa présentation en vidéo.
Affiche de l'exposition "Momies, corps préservés, corps éternels"
- © Museum de Toulouse
Momie de foetus d'éléphant de savane (préservation par dessiccation) - République du Congo - début du XXe siècle
- © François Louis Pons / Muséum de Toulouse
Pour aller plus loin
- Pages de Patrice Georges : sur le site du laboratoire TRACES (Travaux et Recherches Archéologiques sur les Cultures, les Espaces et les Sociétés) de l'Université de Toulouse Jean Jaurès. Sur le site de l'Inrap. Sa page Twitter et sa page Linkedin.
- Ouvrages de Patrices Georges sur le site des éditions de l'Harmattan.
- A lire, l'article de l'Inrap sur l'exposition "Momies, corps préservés, corps éternels" (site de l'Inrap).
- Présentation de l'ouvrage collectif "Momies, corps préservés, corps éternels", lié à l'exposition et publié par Museo éditions.
- Site du Museum de Toulouse et sa chaîne You tube.
- A visionner, la préparation de l'exposition et une interview de Fabien Laty, chargé de l'exposition.
- A lire aussi, l'ouvrage "Momies ! Corps conservés à travers le monde" par Juliette Cazes, publié en octobre 2022 aux éditions du trésor. Sa présentation en vidéo.
Momie de femme égyptienne de l'époque ptolémaïque (310 à 30 avant notre ère) ou romaine (30 avant notre ère à 476) - Muséum de Toulouse
- © François-Louis Pons / Muséum de Toulouse