Une quarantaine d'archéologues de l'Inrap et du service municipal d'Archéologie de Chartres fouillent depuis plusieurs mois sous la place des Épars, en centre ville. Cette première phase de recherche concerne 40 % de la surface du futur parc de stationnement souterrain, soit 4 000 m2, décidé dans le cadre du projet Coeur de ville.

Dernière modification
29 août 2016
La fouille apporte des éléments novateurs sur l'organisation urbaine de cette grande capitale de la Gaule romaine, son rythme d'urbanisation et les modifications du statut social d'un de ses quartiers. Puis, pour la période médiévale, elle révèle la mise en place progressive d'un faubourg à l'entrée de la ville.

Le coeur d'un îlot antique d'habitation

L'îlot est traversé par une rue empierrée constituée de gravillons de silex, bordée de fossés de drainage, de caniveaux puis de trottoirs, de 2,40 m de large, limités par des murs qui devaient être couverts par des portiques. Des canalisations de distribution d'eau en bois sont installées sur les marges de la chaussée. L'ensemble est large de 11,20 m. Le long de la rue, des parcelles d'une largeur de 10,50 m s'engagent en profondeur dans le coeur de l'îlot. Elles sont occupées par des maisons.

Dans la partie centrale de l'îlot, un petit bâtiment a été construit dès le début du Ier s. Son orientation nord/sud laisse penser qu'il s'agit d'un sanctuaire. Il subsiste dans son plan jusque dans le courant du IIIe s.

Deux maisons de notables

Le quartier subit un incendie au cours de la première moitié du IIe s. Il est ensuite profondément réorganisé. Des parcelles sont réunies afin d'y construire deux maisons de notables.

La plus vaste (au moins 30 m x 45 m) est construite sur de larges murs maçonnés et s'organise autour d'une cour. La seconde est largement construite avec des matériaux légers, comme des cloisons en pans de bois, autour d'une petite cour à portique. Au cours d'une campagne de réfection des maçonneries, l'une des pièces est ornée d'une grande scène figurée comportant au moins une représentation impériale, signe d'attachement du propriétaire envers Rome, retrouvée en fouille.

Un nouvel incendie ravage le quartier dans le courant du IIIe s. L'espace est de nouveau occupé de manière plus sporadique mais les vestiges de l'occupation du Bas Empire (IVe s.) ont largement été détruits par les activités postérieures.

Un quartier périphérique médiéval puis moderne

Après la construction de la nouvelle enceinte urbaine (1182), le secteur est relégué extra muros et fait immédiatement face à la porte des Épars, une des entrées de la ville.

À cette époque, l'actuelle rue du Grand-Faubourg se prolonge jusqu'à l'entrée de la ville. Elle est bordée de maisons dont les sols et les fondations ont presque systématiquement disparu du fait des travaux de nivellement postérieurs. Il ne subsiste plus que les vestiges des caves, qui se sont succédé, des puits et des fosses à déchets.

L'église médiévale Saint-Thomas toute proche, qui succède à l'église Saint-Saturnin, est détruite entre les deux sièges de la ville à la fin du XVIe s., époque où l'on renforce le système défensif de la porte des Épars. On adjoint une fortification avancée en forme d'éperon triangulaire avec un ravelin doublé d'un fossé. L'extrémité de ce ravelin est comprise dans l'emprise des fouilles. C'est une maçonnerie de silex harpée de chaînes de grand appareil. À son extrémité, des consoles saillantes supportaient une tourelle d'angle.

Autour ou à proximité de l'église Saint-Saturnin se trouve le cimetière paroissial qui restera en usage jusqu'au XVIIIe s. Une petite partie du cimetière est dans les limites de la fouille. Les sépultures les plus précisément datées remontent au XIVe s.

Chartres et son archéologie : une histoire longue de trente ans

Ce programme de fouille s'inscrit dans la continuité des recherches archéologiques préventives menées sur la ville depuis maintenant plus de trente ans et depuis plus de quinze ans par la Maison de l'Archéologie (ADAUC), devenu depuis 2002 service municipal, et l'Afan remplacée cette même année par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

Grâce à ces recherches, il est possible de faire remonter la fondation de Chartres à la période de l'indépendance gauloise (fin du IIe s. av. J.-C.), comme l'attestent les premières recherches archéologiques faites dans le secteur de la cathédrale.

À partir de la conquête romaine, Chartres, sous le nom d'Autricum, devient capitale du territoire des Carnutes. La ville se développe énormément jusque dans le courant du IIIe s., allant jusqu'à couvrir 200 hectares. D'après les recherches récentes, la ville antique se structure autour de rues orthogonales (à 45° par rapport aux points cardinaux). Mais, il semble qu'un premier réseau de voies axé sur les points cardinaux ait été mis en place au début de l'urbanisation. À la fin de l'Antiquité, l'espace urbain s'est considérablement réduit à quelques dizaines d'hectares. À cette époque, une enceinte urbaine est souvent créée ; elle n'a pas été reconnue d'une manière certaine à Chartres.

La ville médiévale va se développer à partir de ce noyau. À l'époque mérovingienne, autour des établissements religieux très dispersés de nouvelles habitations s'installent. À l'époque carolingienne, la ville est entourée d'une enceinte urbaine, englobée dans une nouvelle enceinte construite à partir de 1182. Des faubourgs se développent au-delà de celle-ci durant toute la période médiévale autour des principaux points d'entrées dans la ville. Mais, leurs extensions restent modestes. Ils subissent les dévastations des guerres de Cent Ans, puis de Religions, notamment durant le siège de Chartres par le prince de Condé en 1568 puis par celui d'Henri IV en 1591. Durant la même période, le système défensif de la ville est progressivement adapté pour répondre au développement de l'artillerie.

L'ensemble du système défensif de Chartres est maintenu jusqu'en 1804, date à laquelle la ville ne fait plus partie des places de guerre du pays. Le secteur des Épars retrouve alors une extension urbaine importante. Les fossés de ville sont comblés et remplacés par de grands boulevards agrémentés de promenades, de nouveaux plans d'urbanisme sont mis en place. C'est encore sur cette réorganisation urbaine que la ville actuelle se structure.

Le projet urbain Chartres Coeur de ville

La ville de Chartres entreprend un important réaménagement urbain des boulevards Chasles et Maurice-Violette reliant la place des Épars qui couvre près de 3 hectares, soit un ruban de plus de 600 m de longueur. À cette occasion, un parc de stationnement souterrain sera construit sous toute la longueur du boulevard Chasles (450 m x 16 m) et sous une large partie de la place (120 m x 32 m à 52 m).
ès l'automne 2001, le service municipal d'Archéologie a réalisé un bilan des connaissances sur le secteur touché par le projet à partir des fouilles réalisées et d'une étude préliminaire des archives historiques. Onze sondages ont été menés durant l'été 2002 par l'Inrap en collaboration avec la ville de Chartres. Ils ont permis d'évaluer l'impact direct du projet de construction sur les vestiges archéologiques enfouis.

Une étroite collaboration entre l'Inrap, la ville de Chartres, le ministère de la Culture et de la Communication, l'entreprise concessionnaire du futur parking (Société Qpark) et l'entreprise de construction (DV construction) a permis de définir un rythme d'intervention archéologique adapté au calendrier des travaux.

La première tranche des fouilles, débutée en novembre 2003, se termine à la fin du mois de mai. La liaison entre la place des Épars et le boulevard Maurice-Violette puis l'ensemble du boulevard Chasles feront l'objet de deux autres phases de fouilles archéologiques qui dureront jusqu'à la fin du mois d'octobre 2004.

Tout au long des chantiers archéologiques, la démarche des archéologues et leurs résultats de fouille sont présentés aux visiteurs : panneaux d'information aux abords du chantier, plaquettes imprimées, conférences bi-hebdomadaires et informations sur le site Internet de la ville www.ville-chartres.fr.
Archéologue responsable d'opération : Hervé Sellès (Inrap).
Contrôle scientifique : Direction régionale des Affaires culturelles du Centre/service régional de l'Archéologie.
Aménageur : Ville de Chartres.