Qualifiée de découverte rare par le service régional de l’archéologie, l’un des plus anciens habitats néolithiques de France, attribué à l’époque du Cardial ancien, fait actuellement l’objet de fouilles par les archéologues de l’Inrap à Cavalaire-sur-Mer. Il s’agit du deuxième site connu de cette période en France. Réalisée sur prescription de l’État (Drac Provence-Alpes-Côte d’Azur), en amont du projet de refonte du centre-ville, la fouille, menée sur une surface de 4200 m², devrait s’achever à la fin du mois de janvier.

Dernière modification
13 janvier 2025

Les premiers agriculteurs méditerranéens et leurs habitats

Les premières traces du Néolithique sur les rives méditerranéennes sont désignées sous le terme d’impresso-cardial. Ce courant culturel se diffuse rapidement d’est en ouest. À partir de la Grèce, il atteint le sud de l’Italie (Sicile, Pouilles, Calabre) vers 6000 avant notre ère, pour s’étendre jusqu’au golfe de Gênes et dans Midi de la France (Côte d’Azur, Languedoc) autour de 5800 avant notre ère.
Le terme de cardial fait référence aux céramiques, caractéristiques de la région, ornées de motifs réalisés avec un coquillage à bord dentelé, le cardium. Cette diffusion semble étroitement liée à la première vague néolithique européenne, observée en Turquie, en Thessalie, en Macédoine, puis sur l’île de Corfou en Grèce et en Slovénie. Ces populations, pleinement agro-pastorales et sédentaires, ont laissé des habitats souvent mal conservés, leur architecture utilisant principalement des matériaux périssables.

Cavalaire 5

Vue générale du chantier en début de fouille.

© Sylvain Barbier, Inrap.

En France

En France, les habitats du Néolithique ancien ont surtout été retrouvés en grotte et abris sous roche. Les sites de plein air sont peu documentés. Dans le sud de la France, quelques uns ont livré des plans d’habitation, basés sur les vestiges les mieux conservés : des fosses et des trous de poteaux. Parmi eux, Peiro Signado (fouille réalisée il y a une vingtaine d’année), en Languedoc, daté de 5800 avant notre ère, constitue un exemple rare d’habitat attribué, comme à Cavalaire, au Néolithique ancien Impressa. Les fouilles y ont mis au jour les restes d’un bâtiment ovale. Le site de Courthézon, dans le Vaucluse, a également révélé des plans de cabanes ovales datés du Cardial récent (entre 5380 et 5080 avant notre ère).

 

La maison cardiale de Cavalaire 

Le bâtiment, découvert sous 4 m d’alluvions dans un petit vallon littoral à Cavalaire, est attribué au Cardial ancien grâce à sa position stratigraphique à 1,30 m sous les niveaux d’occupation du Néolithique moyen (datés de 4800 BC cal). Les tessons de céramique retrouvés dans ce niveau et dans l’élaboration des murs portent les motifs décoratifs caractéristiques de cette période.
Deux bases de mur parallèles en pierre – ainsi qu’une petite abside très endommagée par les phénomènes géomorphologiques et des réaménagements postérieurs – ont été mis au jour. Les dimensions du bâtiment sont approximativement de 7 x 5 m. La base des parois semble avoir été consolidée avec un liant constitué de terre crue et de gravillons (un béton de terre crue) : il apparaît aux archéologues comme un sédiment plus compact, plus fin et plus gris que le sol environnant. Le plan trouve des parallèles en Italie centrale, ce qui conforte l’origine orientale de la vague néolithique impresso-cardiale. Par ailleurs, plusieurs foyers isolés ont été retrouvés, mais également une concentration de plusieurs structures foyères comprises sur une surface 4m² avec probablement la présence de trous de poteaux en périphérie.


Une histoire encore à écrire

Nos connaissances sur l’habitat cardial en France restent limitées, notamment en ce qui concerne les constructions en plein air. Les plans et les techniques de construction demeurent encore largement sous documentés, compte tenu de la rareté des vestiges. La structure mise au jour constitue donc une contribution précieuse à l’enrichissement des connaissances. Elle incite à penser que d’autres vestiges des premiers agriculteurs en France reposent encore sous les épaisses alluvions des fleuves et rivières méditerranéennes.

Aménagement : Ville de Cavalaire-sur-Mer
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac PACA)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique :  Raphaële Guilbert-Berger, Inrap