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Retrouver les gestes et les rituels de Pompéi
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Peut-on retrouver des gestes funéraires enfouis sous les cendres de Pompéi ? Récemment, de vastes fouilles ont repris à Pompéi, comme celles de l'archéologue William Van Andringa qui s'intéresse aux pratiques religieuses antérieures au drame de 79 de notre ère.
Fouille de la sépulture 3D9 qui a livré une quarantaine de flacons à parfum. Ceux-ci n’ont pas été 'ramassés', mais enregistrés par passes de démontage.
• Crédits : (cliché Flore Giraud - EPHE)
Depuis près de deux décennies, l’équipe de William Van Andringa et Henri Duday fouille à Pompéi. Ces recherches ne portent pas sur l’habitat antique, où d’exceptionnelles fresques sont mises au jour, ni sur l’explosion du Vésuve en 79 de notre ère, mais sur les sanctuaires de la cité vésuvienne. Ainsi l’équipe a investi l’une des nécropoles romaines de Pompéi, la nécropole de Porta Nocera, mais aussi le temple de Fortune Auguste, au nord du forum, et un temple suburbain consacré à Bacchus. Suite à ces travaux, les deux archéologues ont reçu le Grand Prix Simone et Cino del Duca de l'Institut de France, soit la plus haute récompense archéologique française.
John Scheid, professeur au Collège de France, rappelait voici plus de vingt ans, que l'histoire des religions de l'Antiquité était tombée dans une impasse. Ce sont de nouvelles approches archéologiques qui permirent à cette discipline de sortir de ce mauvais pas.
Tombes de Verania Clara (à gauche) et de C(aius) Veranius Rufus à droite. Les ossements des deux individus ont été déposés dans le caisson en tuile, au 1er plan
• Crédits : Tous droits réservés
Retrouver les gestes au travers de la fouille
Acte fondamental pour l’archéologue, la fouille a pour objet de questionner le terrain de la manière la plus fine possible, afin d’y relever, enregistrer les traces les plus fugaces, cela afin de pouvoir restituer des gestes « à partir du témoin le plus objectif qui soit, celui de la trace laissée dans le sol. » Ce que nous propose donc William Van Andringa est un manifeste pour une « archéologie du geste ». Celle-ci, au travers de leur reconstitution ouvre une nouvelle manière d'écrire l'histoire, puisque l’archéologie est aujourd'hui pleinement capable de détecter et de restituer le concret de l'action humaine.
Aire de crémation, nécropole de Porta Nocera à Pompéi : la fouille, un laboratoire à ciel ouvert
• Crédits : (cliché F. Giraud)
Reconstituer les funérailles et les gestes à Pompéi
Lors des funérailles, le mort était incinéré dans l’enclos funéraire. Pour cela, une lampe était allumée au pied du bûcher. Il s’agit d’un acte marquant le début des funérailles, le début de la transformation du défunt. Avant d’embraser le bûcher, de l’huile parfumée était versée sur le corps et quelques offrandes sous la forme d’un peu de viande et/ou quelques fruits, un peu de pain étaient déposées. A la fin de la crémation, les fragments osseux étaient recueillis dans un linge puis déposés dans une urne, issue de la cuisine familiale. C’est à ce moment qu'interviennent des actes forts avec le bris de la lampe, le bris des flacons à parfum ou du gobelet utilisé pour verser un peu de vin sur les os collectés. Le bris rituel mettait alors fin à la séquence. Tout cela a laissé des traces pour l’archéologue, qui restitue le détail des séquences funéraires, les compare. La comparaison et le recoupement de milliers d’informations permettent de restituer la tradition funéraire des Pompéiens. Ce que ces recherches permettent aussi de faire, c'est de raconter des histoires, notamment individuelles, celles de Bébrix petit esclave de 6 ans, de Vosonius Proculus comme celle de Phileros et la malédiction de son ancien ami.
Usage funéraire du parfum. Celui-ci est répandu sur le corps du défunt avant la crémation. Le parfum est de nouveau utilisé en fin de cérémonie
• Crédits : (dessin H. Chochois et B. Berthe)
Sur le bûcher funéraire, une lampe à huile retournée et brisée témoigne d’un geste réalisé pour marquer la fin de la cérémonie des funérailles
• Crédits : (cliché F. Giraud)
William Van Andringa "Ce que nous avons pu faire à Pompéi l'a montré de manière magistrale, je crois, c'est qu'on est victime peut-être aussi d'une vision de l'archéologie un peu stéréotypée, un peu mythologique. On ne creuse pas, on ne dégage pas, on suit les couches archéologiques. C'est quand même le principe essentiel de l'archéologie. Normalement, on suit des couches archéologiques qu'on relève avec le plus de précisions, le plus de détails possible. Et je crois que c'est effectivement ce qui nous a guidés. Évidemment, on avait des questionnements au départ, qui ont très vite été réorientés sur ce qu'on mettait en évidence. Désormais, ce sont les données qui nous permettent de restituer des pratiques et de questionner des pratiques humaines."
La foudre « Fulgur » a aussi droit à sa tombe
Pline l’évoque, Hérénnius décurion de Pompéi foudroyé par un jour serein. Nous savons aussi qu’un homme dans cette situation n’avait pas d’honneurs funèbres.
La mission de Pompéi s’est penchée sur un exceptionnel monument, lié à « l’enterrement rituel de la foudre ». En 1938 l’archéologue Amedeo Maiuri découvre un petit tertre dans le jardin de la maison des Quatre Styles. Sur ce tertre, une tuile marquée du mot fulgur (foudre) lui permet d’identifier le rituel étrusque de l’enterrement de la foudre. Cette fosse restée intacte fournissait l’occasion d’étudier cet étonnant rite L’enregistrement de tous les éléments enterrés a permis d’identifier un pan de toiture touché par la foudre. On perçoit alors que la collecte des éléments foudroyés a été précautionneuse, mais a été surtout conduite par un spécialiste des rituels.
La tombe de la foudre "Fulgur"
• Crédits : Willima Van Andringa - EPHE
Pour aller plus loin
Page de William Van Andringa (site de l'EPHE)
Page du Grand Prix d'Archéologie 2021 de la Fondation Simone et Cino del Duca
William Van Andringa et la tombe de la foudre
• Crédits : Tous droits réservés - EPHE