Les villes autour de Paris ont-elles une histoire ?

Hormis Saint-Denis et ses rois, Vincennes et son château, les villes à proximité de Paris ne semblent pas avoir de passé, voire d’histoire.

Sous le goudron et le béton, des archéologues exhument la mémoire de ces cités, au détour de l’aménagement du territoire. Ainsi, sous une bretelle autoroutière, dans la boucle de la Seine, et au cœur de Nanterre, dort une cité gauloise, peut-être capitale des Parisii, bien avant la Lutèce romaine implantée à Paris.

Détail de la fouille de la maison du meunier sur le site de Sartrouville (Yvelines) - © Hamid Azmoun, Inrap

Les moulins de Sartrouville

À l’occasion de la construction d’une école municipale, un moulin est actuellement en cours de fouille à Sartrouville. Aucun moulin à vent n’est présent durant l’Antiquité. L’idée de capter le vent pour son énergie apparaît à la fin du XII^e siècle et se répand dans l’ouest de la France. Dans le droit médiéval, cette nouvelle technologie échappait aux prérogatives seigneuriales contrairement à celui sur l’usage de l’eau auquel était soumis le moulin hydraulique. À l’époque moderne, à Sartrouville, on dénombre quatre moulins à vent, qui produisent de la farine à destination de Paris. Au XIX^e siècle, ces moulins d’exploitation familiale disparaissent face aux minoteries industrielles. Les archéologues ont mis au jour les fondations en pierre du moulin, et ont trouvé, au pied de ce mur, un paratonnerre qui protégeait de la foudre le point haut du moulin.

Vue (drone) du chantier de fouilles des vestiges du moulin à vent et de la maison du meunier à Sartrouville (Yvelines) - © Pascal Raymond / Inrap

Détail de la fouille du moulin à vent à Sartrouville (Yvelines) - © Hamid Azmoun, Inrap

Nanterre, un char identique à celui découvert en Bulgarie

À Nanterre, au cours du XIX^e siècle, les carrières de sable et de pierre ont entraîné diverses découvertes fortuites dont celles d’un trésor de 2 000 pièces romaines enfouies dans les années 256 de notre ère. Mais, la plus grande découverte fut une tombe à char datée du tournant des IV^e-II^e siècles avant notre ère et désormais conservée au musée d’archéologie nationale (Saint-Germain-en-Laye). Le char de Nanterre trouve d’étroits parallèles avec le char exhumé dans une tombe au cœur du royaume thrace : voici cinq ans, à Sboryanovo (Bulgarie), un char et ses deux chevaux attelés, en position de course, étaient fouillés ; or, ce char partage, avec celui de Nanterre les mêmes secrets de fabrication. Nous savons que les Celtes ont migré au cours du IIIe siècle dans le Pont-Euxin, et le char de Sboryanovo pourrait être un cadeau diplomatique ou, tout au contraire, une prise de guerre.

A gauche et en bas : fouille d'un cimetière sous la rue de la chaussée de l'Église / A droite, en haut et au milieu : armes gauloises, céramiques et vaisselle - © EPI 78-92/Service archéologique - Chloé Thorel, 2018 / Laure Pecqueur, Inrap, 2007

Représentation d'une partie du village gaulois de Nanterre (appelée aussi Nemetodorum) - © EPI 78-92 / Service archéologique / Sandrine Lefèvre 2020

La première ville de Nanterre était bien gauloise

Dans la boucle de la Seine, une grosse agglomération gauloise contemporaine de la conquête de César a été découverte sous une bretelle de l’autoroute A86. La cité est organisée avec ses axes de voirie et ses quartiers artisanaux. Au cœur du territoire Parisii, on frappait aussi monnaie dans cette cité, preuve de son importance politique. Nanterre aurait-elle été la Lutèce gauloise bien avant celle gallo-romaine implantée à Paris ?

Sur une fouille à Nanterre, lors des Journées Européennes de l'Archéologie - © Hamid Azmoun, Inrap

La Nanterre des temps modernes

Depuis trois ou quatre ans, l’époque moderne émerge au fil des interventions archéologiques. Ainsi, un mur érigé autour du village et daté du XVII^e siècle a été partiellement fouillé. En 1642, le village de Nanterre connaît un bouleversement tout à la fois social, urbain, économique et démographique, à l’occasion de la construction d’une institution religieuse, le collège des génovéfains.
Cet établissement enseignait les humanités à une centaine d’élèves, au plus fort de sa fréquentation, issus des classes les plus favorisées du royaume de France. Au XVIII^e siècle, il devient un collège royal placé sous tutelle du ministère de la Guerre.

Vue aérienne de la fouille programmée du corps de logis du collège des génovéfains à Nanterre (débutée en 2022). - © Claire Macel, Ville de Nanterre

Des carrières occupaient l’espace nanterrien jusqu’au début du XXe siècle. Tableau : La carrière de Monsieur Pascal à Nanterre, de Jean-Charles Cazin, vers 1875 - © National Gallery of Art, Washington, DC

Pour aller plus loin

• Présentation de Nicolas Samuelian, sur le site du laboratoire ArScAn Ethnologie préhistorique (Archéologies et Sciences de l'Antiquité), sur Canal U.
• Ses publications, sur Research Gate, sur Academia, sur Persée, sur Cairn.info, sur Open Editions Journals.
• À lire, un article, Sartrouville : le dernier des moulins à vent (Archéologia et éditions Faton, Alice Tillier-Chevallier, mars 2024).
• Présentation de son ouvrage, Histoire de Nanterre. Le regard de l'archéologie (éditions Inrap, 2023), À feuilleter aussi.
• Présentation de l'ouvrage, Nanterre, 2 500 ans d'Histoire avec la Société d'Histoire de Nanterre (co-rédigé par Nicolas Samuelian).
• À regarder, une conférence proposée par l'office du tourisme de Nanterre, 2 000 ans d'histoire au cœur de Nanterre : la fouille du square J.-B. Lebon (2021) par Nicolas Samuelian.