Spécialiste du Néolithique, Muriel Gandelin est une des commissaires scientifiques de l’exposition « La terre en héritage, du Néolithique à nous », visible au musée des Confluences à Lyon jusqu’au 30 janvier 2022. Elle revient sur les orientations de cette exposition construite en forme de dialogue entre notre époque et le Néolithique, période méconnue à laquelle l’Inrap dédie sa Saison scientifique et culturelle 2021.

Dernière modification
22 juillet 2021
Muriel Gandelin, responsable d’opération sur la fouille du site chalcolithique de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault).

Muriel Gandelin, responsable d’opération sur la fouille du site chalcolithique de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault).  

© Y. Brossard, Inrap

 

L’exposition « La Terre en héritage » met un fort accent sur l’impact des activités humaines sur l’environnement. Comment cette question se traduit-elle au Néolithique ?

Muriel Gandelin

Le premier impact anthropique fort des populations sur la planète apparaît au Néolithique. C’est à ce moment-là que se produit la première modification génétique d’origine humaine sur les espèces végétales et animales : l’économie agro-pastorale implique une substitution progressive des espèces sauvages par des espèces domestiques.

La plupart des animaux domestiques qui nous entourent - bœufs, cochons, moutons, chèvres, …- ainsi que les céréales courantes - le blé, l’orge, … - n’existaient pas sous cette forme à l’état sauvage. Les populations néolithiques du Proche Orient ont appris à maîtriser leurs cycles de reproduction, à sélectionner certaines de leurs caractéristiques et à faire des espèces domestiques. Au gré des déplacements de populations, ces espèces se sont diffusées en Europe.

De même, certains de nos paysages, comme les garrigues montpelliéraines, qui nous semblent complètement naturels, ont été en réalité façonnés par les humains au Néolithique et entretenus au fil du temps. Les premières déforestations importantes datent aussi de cette époque, pour créer des terrains cultivables.

L’impact sur le milieu est donc très fort, mais il est involontaire, et génère très peu de pollution. La première pollution apparaît à la fin du Néolithique avec l’exploitation du cuivre, qui dégage de l’arsenic. On en a retrouvé des traces dans les poumons d’Ötzi, l’homme gelé et naturellement momifié qui a été découvert en 1991 à la frontière italienne et autrichienne. Toutefois, il s’agit d’un impact très marginal, sans commune mesure avec ce que l’on connaît aujourd’hui.

Comment se met en place le Néolithique ?

Muriel Gandelin

Il ne s’agit pas, bien sûr, d’une volonté de l’Homme de « s’approprier » la nature. Évidemment, il n’y a pas de « grand dessein ». Le Néolithique, ce sont d’abord des familles qui veulent sauver leurs enfants de la malnutrition et leur offrir le meilleur avenir possible, ce qui reste une préoccupation majeure des populations humaines aujourd’hui. Et ils trouvent comme solution de s’émanciper un peu de leur environnement en contrôlant certaines espèces animales et végétales. Petit à petit, ces espèces vont prendre de plus en plus d’importance et l’Homme va en devenir finalement dépendant, s’auto-domestiquant en quelque sorte, puisqu’il n’est plus capable de vivre comme avant, comme un chasseur-cueilleur : son corps s’est transformé, ses aptitudes physiques se sont transformées, de la même façon que des espèces végétales et animales se sont elles aussi transformées. L’exemple le plus connu est celui de la capacité à digérer la lactase qui se développe en Europe à la fin du Néolithique. Certaines populations du monde, celles qui ont développé l’élevage bovin, digèrent très bien la lactase alors que d’autres pas du tout, en Asie notamment.

La néolithisation est-elle un processus sans retour ?

Muriel Gandelin

Il serait illusoire d’imaginer qu’un jour, on puisse revenir à un mode de vie antérieur au Néolithique. En revanche, le Néolithique apporte peut-être aujourd’hui un paradigme pour penser la trajectoire de l’Humanité, ainsi que d’autres façons de penser le monde. Je pense, par exemple, aux constructions en terre et à ces anciennes techniques de construction qui intéressent de nouveau certains architectes. Une collègue archéozoologue m’expliquait qu’au Néolithique, il y avait deux époques de naissance des agneaux, une au printemps, une à l’automne, ce que l’on ne sait plus faire aujourd’hui sans donner des hormones aux animaux. Actuellement, des éleveurs de brebis travaillent sur cet aspect pour essayer de comprendre comment les néolithiques y arrivaient.


On dit aussi que le néolithique est une grande période d’innovation…

Muriel Gandelin

C’est un moment d’innovations fantastiques : la roue, la traction animale, le stockage, l’araire, la poterie, les maisons, le tissage... La liste est infinie. Certes, tout cela marque véritablement le passage vers le mode de vie sédentaire qui est encore le nôtre, avec son corollaire d’économie de production, d’accumulation de biens et d’inégalité sociales. Mais de penser que le Néolithique marquerait le « début de la fin » de nos sociétés actuelles serait un raccourci trop facile. On a créé par exemple récemment la vache à hublot. C’est-à-dire que l’on a intégré dans la paroi stomacale et à l’extérieur de la vache un hublot qui permet d’étudier l’intérieur de son estomac. On ne peut pas faire le lien entre la vache à hublot et la domestication de l’auroch qui a eu lieu il y a 12 000 ans au Proche-Orient. L’Homme a eu la possibilité, à de multiples reprises, de faire le choix d’une production plus écologique, d’un mode de vie plus sain, mais souvent, par volonté de profit, il n’a pas fait ce choix, mais cela n’a rien à voir avec les populations néolithiques dont le mode de vie était assez respectueux de l’environnement. Le Néolithique, c’est l’invention du monde paysan, lequel s’est maintenu jusqu’au début des années 50. Cela change avec l’industrialisation, dans les années 50, où d’ailleurs beaucoup de spécialistes placent le début de l’Anthropocène.

L’idée selon laquelle le Néolithique inaugurerait l’Anthropocène est un des grands axes de l’exposition, mais comment le rendre perceptible par l’archéologie ?

Muriel Gandelin

L’idée selon laquelle le Néolithique pourrait être la première marche de l’Anthropocène, qui est une des réflexions de l’exposition, est intéressante dans la mesure où il s’agit bien de la naissance de notre monde, de notre façon de nous nourrir, de consommer. C’est aussi le premier impact d’ampleur de l’Homme sur la nature. C’est pour cela que nous avons beaucoup mis l’accent sur les aspects paléoenvironnementaux, ce qui n’est pas fréquent dans les expositions qui mettent traditionnellement en avant la culture matérielle, les silex, les décors de vase, etc. Jean Guilaine, qui est l’un des plus grands spécialistes de la période, a beaucoup insisté sur le fait que la culture matérielle était écrasée par les objets, alors que les données paléoenvironnementales sont plus complexes à extraire du contexte archéologique.

Log stratigraphique présentant une succession de sols archéologiques. Site de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault). Responsable d’opération Muriel Gandelin, Inrap.

Log stratigraphique présentant une succession de sols archéologiques. Site de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault). Responsable d’opération Muriel Gandelin, Inrap. 

© C. Gaillard, Inrap

Comment l’archéologie étudie-t-elle ces transformations de l’environnement ?

Muriel Gandelin

Nous étudions, bien sûr, des vestiges tels que les graines, charbons, pollens, restes de faune etc. Par ailleurs, nous menons des expérimentations. Dans l’exposition, en collaboration avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRAE), nous avons voulu montrer comment, à partir d’un blé sauvage qui pousse dans la nature et qui fleurit de façon anarchique d’un pied à l’autre, on est arrivé au blé domestique qui fleurit complètement tout en même temps et dont la graine reste accrochée à l’épi, ce qui n’est pas le cas du blé sauvage dont le grain tombe naturellement au sol pour se ressemer. Dans ce dernier cas, il ne reste plus grand-chose à moissonner. D’ailleurs, ces épis de blé naturel sont très hauts et ils ont tendance à se coucher. Maintenant, les blés sont à chaume court, avec des grains systématiquement accrochés à l’épi. Or, cette sélection a débuté au Néolithique et s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Comment cela s’est-il passé ? L’homme est parti de blés sauvages qu’il a moissonnés tous à la même période. Le même jour, il moissonne tous les grains qui sont mûrs et accrochés à l’épi. Et l’année d’après, il va ressemer tous ces grains le même jour, puis moissonner, toujours le même jour, les grains qui sont restés accrochés à l’épi. Ceux qui sont tombés au sol, il n’a pu les ramasser. Et petit à petit, en quelques siècles, il favorise ces grains qui restent accrochés à l’épi et de plus, comme il les ressème, il favorise les épis aux grains les plus nombreux, puisque l’épi le plus riche est celui qui a la plus grande descendance. Et il en arrive à accroître la production et à sélectionner génétiquement une nouvelle variété de blé très différente de la variété sauvage, sans en avoir conscience. C’est ce mécanisme-là que nous voulions mettre en avant. L’exposition présente du blé sauvage, dont le rendement est probablement de moins de 10 grains sur un épi, et un blé actuel dont le rendement est de 70 ou 80 grains par épi.

Et qu’en est-il de la domestication animale ?

Muriel Gandelin

C’est le même mécanisme qui est à l’œuvre dans la domestication animale. Il faut savoir que tous les animaux domestiques ont un ancêtre sauvage, pour le bœuf, l’auroch, pour le mouton, le mouflon… Ainsi, en Europe, toutes les races bovines actuelles descendent des aurochs domestiqués au Proche-Orient 10 000 ans avant notre ère. La domestication, ce sont des choix répétés et systématiques qui conduisent à la transformation de l’espèce. On va sélectionner, par exemple, les bovins les moins agressifs, ceux qui ont des petites cornes, ceux qui donnent le plus de lait, etc., jusqu’à ce que cette transformation devienne inscrite dans le code génétique de chaque animal et que toute la descendance partage ces mêmes caractères. Il est intéressant de voir que quand les néolithiques sont arrivés du Proche-Orient en Europe, la domestication de l’auroch était tellement ancienne qu’ils ne faisaient peut-être même plus le rapprochement entre les aurochs sauvages d’Europe et leurs bœufs, qui étaient beaucoup plus petits et qui avaient été domestiqués 4 000 ans plus tôt.

Dépôt de faune au fond d’un silo datant du Néolithique moyen. Site du Pirou à Valros. Responsable d’opération Muriel Gandelin et G. Loison.

Dépôt de faune au fond d’un silo datant du Néolithique moyen. Site du Pirou à Valros. Responsable d’opération Muriel Gandelin et G. Loison. 

© Roland Haurillon, Inrap

La plupart des espèces bovines actuelles ont été créées au XIXe siècle ou plus récemment. Avant cette époque, les animaux étaient proches des sélections néolithiques qui ont été faites de manière empirique. Pour le mouton, la couleur et la texture de la robe ont été des critères de sélection. C’est un des exemples le plus frappant de la domestication animale : Le mouton néolithique n’a pas de laine, il est à poil ras ! La laine n’existe pas au Néolithique. Le mouton est alors exploité pour son cuir, son pelage, sa viande et ses os qui servent a fabriquer de petits objets. Ce n’est qu’à la fin du Néolithique que l’on voit apparaître le mouton à poil long, proche de celui que l’on trouve actuellement, au Danemark par exemple. Et le mouton à laine n’apparaîtra qu’à l’âge du Fer, en même temps qu’apparaissent les ciseaux de force permettant de couper la laine. Au départ, cette laine n’était pas blanche. Le blanc est rare dans la nature et ne concerne que les animaux polaires ou albinos. Il a fallu de nombreuses sélections pour obtenir des moutons blancs et faciliter ainsi la teinture de la laine. Et on voit bien comment, parti d’un mouflon sauvage, dont on a perdu la mémoire, on arrive à nos moutons actuels. Ce sont deux sous-espèces différentes, sur le plan morphologique et génétique.

 

Les aspects égalitaires ou élitaires des sociétés néolithiques ont été souvent mis en avant ces dernières années ? Que dit l’archéologie sur l’organisation de ces sociétés ?

Muriel Gandelin

Je pense que ces populations anciennes, néolithiques, mais aussi plus récentes, raisonnaient essentiellement en termes collectifs et non individuels. Je n’imagine pas deux femmes néolithiques discuter et l’une dire à l’autre « Je n’ai plus de temps pour moi ». Cette conversation-là ne pouvait pas avoir lieu. En revanche, au niveau collectif, il y a bien distinction entre groupes d’appartenance sociale différente.

L’examen des sépultures nous montre clairement un accroissement global de la hiérarchisation sociale au cours du Néolithique. Les tombes princières – peut-être royales – sont rares au tout début de la période, mais elles se multiplient au fil du temps, et à la fin du Néolithique, des royautés ou des pouvoirs héréditaires forts sont désormais en place. La hiérarchie sociale est bien plus marquée, avec probablement aussi des esclaves ou des gens de très basses conditions. Sur certains sites, des individus sont inhumés dans de très grands monuments avec beaucoup de mobilier et d’autres sont disposés sans soins au fond de silos. Par ailleurs, il y a une tendance à voir les objets à forte valeur ajoutée, comme les haches d’apparat en roches rares, se multiplier durant la phase évoluée du Néolithique.

Récemment, un article publié dans la revue Nature a montré que sur le site mégalithique de Newgrange (Irlande), un des sujets qui était déposé dans la plus belle salle du plus beau monument était le fruit d’un inceste de premier degré, parent/enfant ou plus probablement frère/sœur. Les auteurs de cette publication ont aussi montré que cet individu trouvé à Newgrange était apparenté à d’autres, dans d’autres monuments prestigieux à plusieurs centaines de kilomètres de là, ce qui tend à indiquer qu’une caste de « rois » a pu exister à ces époques. On sait par ailleurs que l’inceste n’est pas une pratique courante au Néolithique. C’est rarissime. Cela nous renvoie à l’Égypte Ancienne où ce tabou concernait la totalité de la population, sauf les pharaons qui, en tant que « Dieux-Rois » échappaient aux lois humaines.

 34,5 cm / au centre : hache polie de type bégude, à piquetage annulaire, en éclogite, découverte à Montredon des Corbières (Aude) (Musée de Narbonne) – L : 25,5 cm / à droite : hache polie de type Puymirol, à arête médiane,  en jadéitite trouvée à Pezens (Aude) – L : 21,4 cm.

Trois types de haches néolithiques : à gauche : hache polie de type Pauilhac découverte à Peyriac-de-Mer, en jadéite verte (Musée de Narbonne) – L : 34,5 cm / au centre : hache polie de type bégude, à piquetage annulaire, en éclogite, découverte à Montredon des Corbières (Aude) (Musée de Narbonne) – L : 25,5 cm / à droite : hache polie de type Puymirol, à arête médiane,  en jadéitite trouvée à Pezens (Aude) – L : 21,4 cm. 

©  J. Vaquer, P. Pétrequin, DAO M. Gandelin

La violence n’est peut-être pas le sujet central de l’exposition, mais jouait-elle, selon vous, un rôle important dans ces sociétés ?

Muriel Gandelin

C’est un peu le sujet de l’exposition, car la question de la violence, c’est aussi celle de la concurrence pour les territoires. On peut imaginer qu’à partir du moment où l’homme cultive la terre, il se l’approprie. Le groupe humain grandit, il a besoin de toujours plus de terre, car il faut bien imaginer que les rendements néolithiques ne sont pas les rendements actuels. Quand on devient agriculteur, on génère du stock intransportable, du stock alimentaire. À partir du moment où on génère du stock, dans une situation de potentielle tension alimentaire, on génère de la convoitise et potentiellement des conflits. Il suffisait que dans telle région toutes les cultures aient été dévastées par la grêle, qu’il n’y ait plus rien à manger et que la population de la région d’à côté ait fait une belle récolte, pour déclencher un conflit. Cela me semble presque couler de source. Donc, il se crée une tension sur les territoires que l’on voit apparaître partout en Europe, dès le Néolithique ancien et surtout au Néolithique moyen et final, avec l’émergence des enceintes, c’est-à-dire des habitats fortifiés entourés de fossés, de remparts, de palissades. J’ai tendance à penser que le conflit et la guerre de territoires sont des éléments inextricables du développement du Néolithique. Les individus qui sont distingués au Néolithique sont d’ailleurs souvent des guerriers.

L’Inrap a fouillé à Achenheim, en Alsace, les vestiges d’un massacre vieux de plus de 6000 ans. Sommes-nous toujours dans ce cadre d’une guerre de territoire ?

Muriel Gandelin

Ce qui est très intéressant dans le site d’Achenheim, c’est le niveau de violence révélé par l’étude de ces squelettes qui comportent des fractures et des mutilations dont certaines semblent post-mortem. Il semble qu’il y ait des rites guerriers associés. Le prélèvement des bras gauche, le fait de massacrer des individus de cette façon-là, nous renvoie à ce que Philippe Lefranc, qui a fouillé ce site, interprète comme de l’« overkill », c’est-à-dire une violence exagérée qui va au-delà du simple besoin de tuer.

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Vue générale de la fosse 124 d'Achenheim

© Philippe Lefranc, Inrap

Ces massacres rituels, bien connus des ethnologues, se mettent en place dans des sociétés essentiellement guerrières. Par ailleurs, de nombreux peuples premiers, comme par exemple les Papous en Papouasie Nouvelle-Guinée, connaissent deux types de guerres. Il y a une guerre qui est « rituelle » : deux familles se disputent pour une question de mariage, une dette, etc. Et cette guerre rituelle fait très peu de morts. Même s’ils tuent un père de famille, la femme et les enfants vont être récupérés par la famille de l’opposant et nourris. Et puis, il y a un autre type de guerre, qui est la guerre en période de disette, où le but est de diminuer la population et là, on attaque et on tue tout le monde, du bébé au grand-père, on massacre parce qu’il faut faire diminuer la pression alimentaire. On ne peut pas le savoir, mais je ne serais pas étonnée qu’il y ait eu des pratiques de ce type au Néolithique.

Quels objets présentez-vous pour illustrer le propos de l’exposition ?

Muriel Gandelin

L’exposition fait le choix d’orienter le discours sur l’impact anthropique, sachant que dès le départ, il y avait cette idée de mettre en regard le contemporain et le Néolithique. Et à partir de là, nous avons sélectionné un certain nombre d’objets capables de porter ce discours, d’étayer cette hypothèse qui reconnaîtrait dans le Néolithique la prémisse de notre mode de vie.

Nous avons eu la chance de pouvoir exposer des objets assez exceptionnels d’Espagne, de Bulgarie et de l’extérieur de l’Europe : Proche orient, Amérique, Asie. À mon sens, c’est, de ce point de vue, une des expositions les plus ambitieuses jamais réalisée en France.
Le néolithique est déjà un agriculteur et un éleveur exceptionnellement habile, qui, dans le but de nourrir une population grandissante, développe des techniques d’agriculture et d’élevage de plus en plus rentables. Un simple araire, qui démultiplie l’efficacité du travail, ou une roue, sont des révolutions : nous avons obtenu un exemplaire rarissime de roue Néolithique d’un musée en Suisse, et avons fait reconstruire un araire en archéologie expérimentale. Mais le Néolithique est aussi un inventeur d’objets pour son nouveau quotidien sédentaire, comme ces céramiques décorées ou ces énormes vases-silos qui fonctionnent comme des « frigos » avant la lettre, présentés dans l’expo. Et enfin, il commence à créer des objets qui affichent son statut social. Le magnifique collier de Vignely en dents de cerf et vertèbre de loup, fouillé par l’Inrap, ou l’exceptionnelle parure en or de la tombes princière de Varna, en Bulgarie, sont des objets ostentatoires des élites.

Pour satisfaire ces besoins, on fait arriver des biens convoités de partout, comme la variscite, cette roche verte ou bleu, proche de la turquoise, qui depuis l’Espagne se diffuse très loin en Europe. Ainsi, le collier de Ripollet, également dans l’exposition, est l'un des plus beaux qui existent. Enfin, le monde de l’homme néolithique est de plus en plus construit, aménagé, outillé pour favoriser la circulation et les échanges. C’est aussi un monde où une nouvelle dimension symbolique apparait qui place la figure humaine au centre du discours . Des magnifiques statuettes provenant de toute l’Europe et des plus importants musées comme le MAN ou le musée du Quai Branly sont aussi présentées dans l’exposition.

Muriel Gandelin, responsable d’opération sur la fouille du site chalcolithique de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault).

Muriel Gandelin, responsable d’opération sur la fouille du site chalcolithique de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault).  

©

Y. Brossard, Inrap