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Le diagnostic archéologique comme outil de recherche et de prospective dans le département de l'Eure-et-Loir
Ce deuxième séminaire scientifique et technique s’est tenu à Caen, à l'auditorium du château, les 28 et 29 septembre 2017. Il a été organisé par l'Inrap (David Flotté et Cyril Marcigny) avec le soutien du département du Calvados et de la Mairie de Caen.
Depuis sa création, le service archéologique du Conseil départemental d'Eure-et-Loir a pris le parti de placer le diagnostic archéologique au cœur d'une démarche scientifique plus globale visant à caractériser les dynamiques d’anthropisation et leur impact sur les paysages euréliens. Dans ce cadre, cet exercice est envisagé comme un outil de recherche à part entière. De fait, il bénéficie d'une méthodologie adaptée qui permet d’alimenter, voire de faire émerger de nouvelles problématiques de recherche.
Auteur et intervenant
- Jean-Yves Noël, service recherche et archéologie préventive, Conseil départemental d'Eure-et-Loir
Co-auteurs
- Gabriel Chamaux, Quentin Borderie, Emilie Fencke, Olivier Labat, Pierre Perrichon et Hervé Sellès, service recherche et archéologie préventive, Conseil départemental d'Eure-et-Loir
Cette communication se propose de rappeler les réflexions qui ont prévalues aux méthodologies mises en œuvre et, au travers d'exemples d'application concrets, d'illustrer l'apport des données issues de diagnostics archéologiques aux travaux de recherche conduits au sein du service départemental.
En premier lieu, les données géomorphologiques issues des diagnostics viennent systématiquement alimenter un programme de recherche interdisciplinaire qui dresse l'inventaire raisonné des formations limoneuses quaternaires d’origine éolienne en Eure-et-Loir (programme QuoRel). Les premiers résultats ont permis de dresser une cartographie de la couverture limoneuse dans le département, qui se répartie en 11 zones de conservations différentes. Chaque zone a fait l'objet d'un log de synthèse qui cumule l'ensemble des informations collectées. L'exemple de la zone de plateau P5 illustre bien l'apport des diagnostics pour l'établissement du cadre chronostratigraphique local.
En effet, le log de référence a été établi grâce aux données acquises lors de la réalisation de quatre diagnostics à Illiers-Combray, portant sur une centaine d'hectares. À cette occasion, un vaste gisement du paléolithique moyen, daté par TL du stade isotopique MIS 5b, a pu faire l'objet d'une étude approfondie.
Les données issues des diagnostics contribuent également à alimenter la réflexion sur les modalités d'occupation du territoire de façon multi-scalaire. Ces observations aboutissent à des synthèses diachroniques sur des micro-territoires permettant de mieux appréhender l'évolution, la structuration et l’artificialisation du paysage. À titre d’exemple, le diagnostic de Trizay-Les-Bonneval vient compléter les données offertes par la fouille de la grande nécropole d’Alluyes-Saumeray sur les paysages funéraires à la fin de l’âge du Bronze dans la vallée du Loir. Les diagnostics des ZA d'Artenay-Poupry et d'Illiers-Blandainville, complétés bien-sûr par les fouilles postérieures, ont offert la possibilité de modéliser les rythmes d’occupation des populations sur des territoires de plusieurs centaines d'hectares, de façon synchronique et diachronique, de la Protohistoire à l’époque contemporaine. Enfin, à une autre échelle de temps et d'espace, les données de diagnostic viennent aussi abonder des synthèses géographiques pour une période donnée, comme l'illustre l'exemple
de la caractérisation de l'aire culturelle nord-carnute et les modalités d'occupation de ce territoire à La Tène finale.
Sur les territoires où les connaissances sont encore limitées, les diagnostics constituent un élément essentiel du renouvellement des connaissances. Au-delà de la caractérisation des vestiges les plus structurés, une attention particulière portée sur les découvertes éparses ou isolées, ne donnant pas forcément lieu à des fouilles postérieures, permet néanmoins de nourrir des réflexions sur des notions de limites, et/ou de réseaux d'échanges, ou encore d’aires culturelles. Il s'agit le plus souvent de séries de mobilier homogènes comme celle de la fosse gallo-romaine d'Illiers-Blandainville, celle du Bronze final de Courville-sur-Eure ou encore des nombreuses séries céramiques du Néolithique final découvertes dans les régions voisines de la Loire moyenne.
Les informations obtenues en contexte de diagnostic sont donc plurielles et rendent possible une approche analytique multi-scalaire des dynamiques du territoire eurélien. Cette pertinence de la collecte d'informations dépend, en définitive, directement du degré d'investissement mis en œuvre pour l'exercice même du diagnostic. Cependant les connaissances acquises doivent être utilisées avec prudence et ne peuvent être déconnectées de celles issues de fouilles. De même, les conclusions issues de ces réflexions alimentées par des données partielles doivent être constamment remises en question à l’aune des résultats apportés par les découvertes postérieures.