Vous êtes ici
La conquête du cheval : une révolution !
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Ludovic Orlando, directeur de recherche en archéologie moléculaire au CNRS, spécialiste de l'étude des ADN anciens, et directeur du Centre d'anthropobiologie et de génomique de Toulouse (CNRS et Université de Toulouse III Paul Sabatier).
Désormais, plus aucun cheval ne serait sauvage. Pour autant, où et dans quel contexte se déroula sa première domestication ? Une enquête à la croisée de l’archéologie, la paléo-génomique et l’histoire des peuples…
La conquête du cheval est une révolution, conquête semble-t-il tardive, mais aux résultats immédiats. Dès 1960, dans son extraordinaire roman anthropologique, « Pourquoi j’ai mangé mon père », Roy Lewis s’interrogeait sur la domestication du cheval, du moins sur l’ancêtre du cheval (l’hipparion), par un jeune pithécanthrope, dont la conclusion se révèlera par un cuisant échec. La question de la domestication du cheval a suscité nombre d’articles, de suppositions. Si, dès le Paléolithique, il tient un rôle central dans l’art de nos cavernes (notamment dans la grotte de Pech Merle, Lot), la toute première domestication s’opère loin de l’Europe occidentale.
Le panneau des chevaux ponctués de la grotte de Pech-Merle dans le Lot
- © DR
Figurine Magdalénienne de Duruthy, Abbaye d'Arthous, France
- © Ludovic Orlando
Deux foyers : le Kazakhstan et le Caucase
Pour les archéologues, la première domestication du cheval se déroule au sein d’une culture, "la culture de Botaï", au cœur du Kazakhstan, il y a 5 500 ans. Le cheval est alors exploité pour sa viande (hippophagie) mais aussi en vue de produits lactés issus des juments. Toutefois, les chevaux de Botaï ne sont pas à l’origine de nos chevaux modernes. Une vaste enquête, analysant des chevaux de l’Atlantique à la Chine, est alors lancée, afin de déterminer un nouveau foyer de domestication.
Eleveurs de chevaux en Mongolie Intérieure, Chine, (Juillet 2019).
- © Ludovic Orlando
C’est au cœur du Caucase, il y a 4 400-4 200 ans, que des communautés domestiquent à nouveau le cheval, non pas en vue de sa simple consommation, mais pour sa force motrice. Ces nouveaux éleveurs opèrent alors les prémices d’une sélection entraînant des modifications de la morphologie et de l’anatomie du cheval. Ainsi, deux gènes sont sélectionnés : le premier (ZFPM1) modifie la docilité versus l’anxiété, le second (GSDMC) réduit le risque de développer le mal de dos chronique.
Indienne sioux Lakota avec son cheval dans la réserve de Rosebud aux Etats-Unis (avril 2003)
© Getty - © Robert VAN DER HILST / Gamma-Rapho
Les Indiens des plaines possédaient le cheval bien avant que nous le pensions !
Pour la nation Lakota, le cheval est monté depuis des temps immémoriaux. Tout au contraire, les chercheurs occidentaux supposent que les Indiens natifs auraient acquis leurs premiers chevaux lors de la révolte des Pueblos, en 1680. À la demande des aînés, gardiens du savoir, et des chefs traditionnels Oglala Lakota Oyate, une étude génomique sur le cheval américain est alors lancée. Le résultat est sans appel : trois des vingt-neuf fossiles de chevaux du Wyoming, du Nebraska et du Kansas, découverts en milieu indien, sont antérieurs à 1600.
Hormis ce résultat, ce programme avait pour but de prendre en compte, et à part égale, tout à la fois les sciences indigènes traditionnelles et la paléo-génomique la plus moderne. Ludovic Orlando prône ici, non pas une archéologie simplement multidisciplinaire, mais une archéologie totale.
Eleveurs de chevaux Argentins, Doña Sofía, Argentine, (Décembre 2021)
- © Ludovic Orlando
Fosse gauloise contenant huit chevaux et huit hommes, à proximité de l'oppidum de Gondole (Puy de Dôme)
- © U. Cabezuelo / Inrap
Fouille de chevaux inhumés durant la seconde guerre mondiale (Bar-le duc)
- © Vincent Charpentier
Pour aller plus loin
- >> Ludovic Orlando
- Pages de présentation : sa page twitter, de son laboratoire CAGT/CNRS (Centre d'anthropobiologie et de génomique de Toulouse) à l'Université Toulouse III-Paul Sabatier.
- Ludovic Orlando, lauréat de la médaille du CNRS 2023 en paléogénomique.
- Présentation de ses ouvrages parus aux éditions Odile Jacob, La conquête du cheval, une histoire génétique (mars 2023), et, l'ADN fossile, une machine à remonter le temps (janvier 2021).
- Publications : sur le site du laboratoire CAGT/CNRS, Research gate (en anglais), Cairn.info et OpenEdition Journals.
- >> Quelques références
- Page sur l'Hipparion, un genre d'équidé disparu, ancêtre du cheval.
- Page sur la culture de Botaï, à ce jour la plus ancienne culture où la domestication du cheval soit attestée.
- Présentation de l'ouvrage, Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis (1990, Actes Sud), avec plusieurs ré-éditions.
- Sites des grottes de Lascaux, Chauvet et Pech-Merle, dans lesquelles se trouvent beaucoup de représentations de chevaux.
- Page sur le cheval de Przewalski (site du Muséum national d'histoire naturelle).
- Page sur la révolte des Pueblos.
- Page sur les indiens Lakotas.