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La chute de Babylone ou l'histoire d'un roi fou
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Francis Joannès, Professeur émérite d’histoire ancienne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Héritier de Nabuchodonosor II, Nabonide monte sur le trône en 556 avant notre ère. Roi usurpateur, sa folie mènera à sa perte, et avec elle, à celle de tout un empire. Le magazine de l'archéologie nous entraîne dans la chute de Babylone et du roi fou qui ne voulait pas être roi.
Porte d'Ishtar
• Crédits : Bartosz Hadyniak - Getty
La chute de Babylone
Que s’est-il passé le 12 octobre 539 avant notre ère, si ce n’est la fin d’un monde ? On le sait, les grands empires sont voués à disparaître, et cela, quelle que soit leur puissance… Le magazine d’archéologie de France Culture se penche sur l’héritière des civilisations de Sumer et d'Akkad : Babylone, celle-là même évoquée par Aristote, Xénophon et la Bible -voire les livres d’Isaïe et de Daniel- celle-là surtout qui, au cours du VIe siècle avant notre ère, domina l’Orient…
À la lumière des fouilles mais surtout de milliers de tablettes cunéiformes provenant des grandes métropoles que sont Ur, Uruk, Nippur, Sippar, il nous est désormais possible de retracer les derniers instants de la mythique cité, ceux de son empire, comme l’histoire de son dernier roi… Nabonide.
Relief du roi Nabonide en Arabie Saoudite.
• Crédits : Francis Joannès - Radio France
Hormis sa puissance, ses remparts édifiés par Nabuchodonosor, son urbanisme si particulier coupé par l’Euphrate, sa ziggourat et son temple au dieu tutélaire Marduk, Babylone n’est rien de moins que « la porte des dieux », la capitale néo-babylonienne d’un empire qui va « de la Mer d’en-haut à la Mer d’en bas » - la Méditerranée et le Golfe arabo-persique.
La porte d'Ishtar (dragons et taureaux)
• Crédits : Francis Joannès - Radio France
Nabonide, le roi fou qui ne voulait pas être roi
Héritier de Nabuchodonosor II, Nabonide monte sur le trône en 556 avant notre ère, très probablement avec l’aide de son fils. Roi usurpateur, celui-ci semble, dans des rêves, troublé par la légitimité des dieux face à son usurpation, c’est du moins ce que décrit la stèle de Babylone, aujourd’hui conservée à Istanbul.
Tout tourné vers le passé, Nabonide se lance en parallèle dans d’étonnantes fouilles, celles de l’« Ebabbar » de la ville de Sippar notamment, fouilles qui font de lui le premier archéologue de l'humanité.
Brique de Nabonide, rappelant la restauration du temple de Sin, dieu de la Lune, dans la cité d'Ur.
• Crédits : British Museum / Francis Joannès
En 553 avant notre ère, le roi et son armée partent en Arabie, une terre alors inconnue et s’implante dans l’oasis de Tayma, actuellement en Arabie Saoudite. L’aventure, loin de la Mésopotamie dure 10 ans, un acte plus que curieux pour un roi de Babylone puisqu’il n’a pas assisté à la célébration annuelle du dieu Marduk, à son règne divin, qui purifie Babylone.
Entre hérésie et profanation celui-ci, à l’image d’Akhenaton en Egypte met en place une nouvelle théologie, loin du dieu de Babylone Marduk et centrée au profit du dieu de la Lune, Sin. Nous voici aussi devant la légende du roi malade, du roi fou. Les textes polémiques, postérieurs à son règne « chroniques de Nabonide », « Pamphlet de Nabonide », sont assez nombreux et tous en font un mauvais roi.
Le 12 octobre 539 : la fin d’un roi mais surtout d’un empire
À l’image des troupes américaines rentrant en 2003 dans Bagdad, Le 12 octobre 539, Babylone tombe aux mains des perses de Cyrus, elle ne s’en relèvera jamais et avec elle prend fin la période néo-babylonienne. C’est aussi la fin d’un destin, celui de Nabonide, l’homme qui ne voulait pas être roi, peut-être vaincu par le dieu Marduk, ayant appelé Cyrus le perse, sûrement battu par les élites lettrées et religieuses voulant mettre fin à l’hérésie.
Le Festin de Balthazar - Rembrandt
• Crédits : Francis Joannès - Radio France
Balthazar et ses invités blasphèment le Dieu des juifs
Balthazar (Bēl-šar-uṣur, Bel protège le Roi), fils de Nabonide est probablement le principal instigateur de la prise de pouvoir de son père, en 556 avant notre ère.
Sa mémoire est parvenue jusqu’à nous sous les traits de « Balthazar », notamment peint par Rembrandt en 1635. L’ancien testament (le chapitre 5 du livre de Daniel) décrit « la scène du festin de Balthazar », festin où ses mille convives, nobles et dignitaires, femmes et concubines, boiront dans l'argenterie du Temple de Salomon, ramenée de Jérusalem par Nabuchodonosor II, lors de l'exil à Babylone. Face au blasphème, et dans une nuée, une main trace une curieuse inscription, annonciatrice de la chute de Babylone, tout à la fois païenne, profanatrice, décadente et dépravée.
Pour en savoir plus
- La page de Francis Joannès (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
- Des articles de Francis Joannès sur National Geographic