Vous êtes ici
L’archéologie littorale face à la montée des eaux
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Yvan Pailler, archéologue, responsable d’opération à l’Inrap Grand-Ouest, titulaire de la chaire ArMeRIE (Archéologie Maritime et Recherche Interdisplinaire Environnementale) à l'Université de Bretagne Occidentale (UBO), ainsi que Cyril Marcigny et Anthony Lefort, archéologues à l'Inrap.
Coincé entre terre et mer, l’estran, zone de balancement des marées en perpétuel mouvement, a trop longtemps été un espace délaissé par les archéologues. Face à la remontée des eaux marines et l’irrémédiable changement climatique, il est depuis peu l’objet de nouvelles recherches.
Site d'Urville : aux portes de la presqu'île de la Hague, la plage d’Urville-Nacqueville, découverte de vestiges d’un village celtique conservé dans le sable.
• Crédits : © Olivier Morin (Hague-Drone)
Les côtes françaises sont en effet rongées, notamment durant les violentes tempêtes d'hiver entre atlantique et mer du nord. L’accélération de ces évènements extrêmes a donc un lourd impact sur les vestiges archéologiques des sociétés maritimes anciennes.
Les Blockhaus du mur de l’Atlantique s’enfoncent peu à peu sous les flots.
• Crédits : © V. Charpentier
Que pourrait révéler l’estran ? Au-delà des blockhaus du mur de l’Atlantique qui s’enfoncent peu à peu sous les flots, les grèves possèdent bien des vestiges anciens, des épaves de toutes époques venues mourir sur les plages, bien entendu, mais aussi des installations de sauniers comme de nombreuses pêcheries : 1 600 sites de pêcherie ont déjà été recensés par les archéologues entre les côtes charentaises et normandes.
Pour percevoir les recherches des archéologues, le magazine d’archéologie de France Culture se consacre à deux sites, l’un sur une île en Mer d’Iroise, Molène, l’autre sur les rives du Cotentin au travers d’un reportage à Urville-Nacqueville.
Vue aérienne de Beg ar Loued (Molène) - 2019
• Crédits : © Marine nationale
Une communauté insulaire sur l’île de Molène il y a 4 000 ans
À la pointe de Beg ar Loued, sur un cap de l’île Molène, dix années de recherches ont permis de dégager des vestiges néolithiques et de l’âge du Bronze, vieux de 4000 ans : deux exceptionnelles maisons de pierre datées de l’âge du Bronze y ont été dégagées, au pied de l’estran. Ceux-ci ont donné lieu à une remarquable étude pluridisciplinaire, qui permet d’esquisser l’économie de la communauté ayant occupé les rivages de la mer d’Iroise. Celle-ci possède une économie à large spectre, mêlant élevage, culture et prédation, exploitant ainsi toutes les possibilités offertes par le milieu environnant. Ainsi, cette communauté sédentaire pêche du bar et de la daurade royale, collecte des patelles (coquillages), tandis que sont attestés de rares témoins de phoques (Halichoerus grypus) et de rorqual. Si les goélands argentés ne semblent pas consommés par ces communautés insulaires, il n'en est pas de même du macareux moine et du cormoran. Hormis bœufs et porcs, la particularité de Beg ar Loued, est une contribution inhabituelle des caprinés dans l’économie animale avec la mise en évidence d’une exploitation de leur lait.
Vue aérienne du site de Beg ar Loued (Molène) - 2019 - Deux exceptionnelles maisons de pierre datées de l’âge du Bronze ainsi que des des vestiges néolithiques.
• Crédits : © Marine nationale
Afin de mieux comprendre l’évolution globale de cet environnement insulaire, de nombreuses recherches ont été menées sur les variations du niveau marin (3,60 m plus bas qu’aujourd’hui) corrélées à l’étude du paysage végétal, de la géomorphologie, de la géologie.
Chantier de fouilles sous le sable d'un village et sa nécropole des années 120-80 avant notre ère.
• Crédits : © Anthony Lefort / Inrap
Les gaulois sont sous la plage
Aux portes de la presqu'île de la Hague, la plage d’Urville-Nacqueville conserve en le sable de sa plage, les vestiges d’un village celtique tout à fait original. Les fouilles, organisées au gré des marées, ont révélé un village et sa nécropole des années 120 à 80 avant notre ère. Amphores vinaires italiennes, bracelets de lignite aux origines anglaises attestent la vocation commerciale du site. C’est aussi dans ces fouilles que des vestiges d’une baleine ont été dépecés. Grâce à des conditions d’enfouissement très privilégiées, quantité d’objets organiques, totalement absents des sites terrestres ont été découverts. Parmi eux, un exceptionnel « boomerang » ou bâton de jet, pièce unique en Gaule celtique, mais connu dans l’ancien monde notamment dans la tombe du pharaon Toutankhamon.
Bâton de jet (ou boomerang) découvert sur le site d'Urville-Nacqueville, pièce unique en Gaule celtique.
• Crédits : © D. Geoffroy (Court-jus productions)
Pour aller plus loin
- Page d'Yvan Pailler (site de l'Université de Brest - Academia).
- Page de la Chaire ArMeRIE (Archéologie Maritime et Recherche Interdisciplinaire Environnementale) Inrap / Université Bretagne-Ouest.
- Page wikipédia et bibliographique de Cyril Marcigny, archéologue et protohistorien à l'Inrap.
- Page d'Anthony Lefort (site Inrap - Academia)
- Page de l'exposition Le peuple des dunes, des gaulois sous la plage jusqu'au 2 janvier 2022 à La Hague (site Cotentin, unique par nature).