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L’abbaye médiévale de Beaumont sort de terre, à Tours
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Philippe Blanchard, archéologue, ingénieur chargé de recherche à l'Inrap.
Sous une ancienne caserne de Tours, une abbaye de bénédictines, plus importante communauté religieuse médiévale de Touraine, sort intégralement de terre.
Physiquement effacée à la fin du XVIIIe siècle, l’histoire de l’abbaye de Beaumont ne se lisait plus que dans les archives. Devenue bien national, celle-ci fut, en effet, intégralement démontée et vendue pour ses matériaux.
Edifiée à la suite d’un incendie, l’abbaye de Beaumont, accueille des moniales suivant la règle de Saint-Benoît, dès le tout début du XIe siècle. Au XIIIe siècle, les sources décrivent un établissement religieux entouré de terres cultivées, de prairies et de vignes. L’abbaye est ceinte d’une puissante clôture et partagée entre une cour d’accueil, et des jardins et vergers, destinés à nourrir les religieuses.
Aujourd’hui, les recherches portent sur l’ensemble de l’établissement monastique et une grande partie des sépultures qui lui sont liées. Il faut dire que l’abbaye de Beaumont est la plus importante et durable communauté religieuse de Touraine. Les vestiges mis au jour dessinent parfaitement le plan de l’église abbatiale, sa nef aux deux transepts à absidiole, et le chœur dont la fouille met en évidence deux états distincts de constructions.
Assemblage orthophotographique de la fouille au niveau de l’église, du cloître et de ses bâtiments périphériques.
- © Ph. Blanchard/Inrap, D. Godignon/Inrap, J. Anglade/Sadil
Sœurs de cœur
Les effectifs de la communauté sont connus du XVIe au XVIIIe siècle : entre 25 et 35 sœurs de chœur, religieuses les plus nobles, affectées aux tâches spirituelles, qui ont été placées dès leur plus jeune âge par les familles de l’aristocratie et de la bourgeoisie. Le statut social privilégié de ces moniales est confirmé par les déchets que dégagent les archéologues dans le secteur des jardins et qui comprennent de coûteuses porcelaines importées de Chine. Les sœurs converses, en charge des travaux agricoles ou manuels, sont, elles, rarement évoquées dans ces archives. Parmi les multiples objets découverts, figure une belle et rare matrice de sceaux, en alliance cuivreux, propriété de l’abbesse, ou d’une prieure, et découverte dans une latrine d’un logement abbatial.
Matrice de sceau et son empreinte, mise au jour dans une latrine d’un probable logement abbatial et appartenant à une abbesse ou une prieure
- © Mathilde Noël / Inrap
Mourir à Beaumont
Plusieurs espaces funéraires ont été identifiés. Le plus ancien se rapporte à un cimetière des IXe et Xe siècles. Les autres correspondent au cimetière paroissial du XIIIe siècle et à ceux de l’établissement monastique des XIe-XVIIIe siècle. Pour ce dernier, des tombes ont également trouvé place dans l’église (nef, transepts et chœur), devant le portail ou dans les galeries du cloître. Les modes d’inhumations sont variées, et évoluent selon les époques. Ceux des Xe ou XIe siècle sont constitués de simples planches de bois disposées en bâtière. Entre les XIIe et XVe siècles, ils correspondent à des coffrages anthropomorphes composés de blocs de calcaire. Enfin, les sépultures les plus récentes consistent en des cercueils en bois cloué ou d’un caveau. Parmi les dépôts funéraires, figurent de nombreux brule-parfums (peut-être de l’encens).
Statuettes mises au jour dans la nef de l’église / Fragment d’une statuette (Christ en crucifixion) / Objets funéraires / Stylet médiéval / Médailles religieuses / Objets de piété (croix en pendentif et perles)
- © Mathilde Noël / Vincent Charpentier / Inrap
Des vestiges de vêtements liturgiques ou de nappes d’autel, ainsi que de nombreux pots à encens sont présents dans des sépultures des XIIe-XVe siècles.
Du petit mobilier est laissé dans les tombes des XVIIe-XVIIIe siècles. Il se compose de nombreux objets de piété (perles de chapelets et petites croix en os). On y a découvert également quelques monnaies et médailles médiévales et modernes et un très grand nombre d’aiguilles.
Vues du chantier de fouille de l'abbaye de Beaumont-lès-Tours / Figurines mises au jour, en cours de stabilisation par les restauratrices du laboratoire AntePostQuem
- © Mathilde Noël / Inrap
Pour aller plus loin
- Page de présentation de Philippe Blanchard : sur le réseau Linkedin.
- Publications : sur le site HAL, sur le site Academia (Inrap), sur le site Cairn.info, sur le site Open Edition Journals.
- A regarder, un entretien avec Philippe Blanchard (Octobre 2014, Chaîne You tube Indésciences).
- A lire, l'article de l'Inrap sur le site de fouille de l'abbaye de Beaumont-lès-Tours.
- Page sur l'Abbaye Notre-Dame de Beaumont-lès-Tours.
- A regarder aussi, une vidéo sur le début des fouilles, des tombes atypiques à Tours (Avril 2020, chaîne You tube de l'Inrap).