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Glozel, cent ans de controverse
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec :
- Jean Guilaine, archéologue, spécialiste de Préhistoire et Protohistoire, professeur émérite au Collège de France et membre de l'Institut et de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
- Jean-Paul Demoule, archéologue, préhistorien français, professeur émérite de protohistoire européenne à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, membre honoraire de l'Institut universitaire de France et ancien président de l'Inrap
- Didier Miallier Physicien, professeur émérite à l'Université Clermont-Auvergne et membre du laboratoire de physique IN2P3 du CNRS.
Voici exactement cent ans, au printemps 1924 et au cœur de l’Allier, d’étonnants objets appartenant à une étrange culture sont découverts par un jeune paysan, Emile Fradin, et son grand-père.
La présence de tablettes d’argile et de harpons portant des écritures élaborées et inconnues, associés à tout un mobilier d’aspect paléolithique et néolithique, suscita un vif émoi. Au nord du Massif central, le Bourbonnais aurait-il été le berceau de l’écriture, détrônant, par conséquent, les premières écritures cunéiformes de Mésopotamie et l’alphabet sémitique du Levant ?
Les polémiques, les controverses scientifiques d’une extrême violence qui ont traversé tout le XXe siècle, font de l’affaire Glozel un cas unique, un hapax, dans le paysage archéologique français.
Jean Guilaine : "Les résultats, au point de vue archéologique, négatif ! Nous n'avons trouvé aucune couche, aucun sol, qui aurait renfermé des objets. Mais nous savons également que, lors des fouilles anciennes, il y avait ce qu'on appelle des "nids d'objets", c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de couches archéologiques. Ça, on l'a confirmé, lors de notre présence."
Jean-Paul Demoule : "Il n'y a eu aucun véritable plan de fouilles. Les fouilles sérieuses ont été faites par une commission internationale de préhistoriens, mais sur des sondages assez limités où ils ont conclu que, effectivement, les objets avaient été introduits. Donc, ça a beaucoup fâché sur le moment. [...] Normalement, à cette époque, on commençait déjà à fouiller plus sérieusement. Et là, il y avait les journalistes et des curieux qui venaient sur le terrain. Donc, quand on voit les photos des fouilles, effectivement, c'était creusé un peu n'importe comment, et l'on n'a aucun croquis vraiment sérieux avant les fouilles de notre commission en 1983."
À la demande de Jack Lang, alors ministre de la Culture, une commission d’experts fut créée et le terrain à nouveau investi en 1983, pour des fouilles dans le champ Duranthon, rebaptisé depuis "le champ des morts". S'ensuivit un unique article scientifique, paru, dans une revue somme toute très confidentielle, la Revue archéologique du Centre (Daugas et al. 1995).
Didier Miallier : "Ce que j'ai inventorié, c'est du matériel qui avait été conservé à Vichy jusqu'en 1983, chez la fille du docteur Morlet. J'ai terminé l'inventaire qui avait été largement commencé avant moi. Après, j'ai essayé de faire un petit bilan. Effectivement, on peut compter 3 000 objets, mais qui recouvrent des choses très disparates. [...] C'est un nombre très large, et les véritables objets qui ressemblent à quelque chose sont moins nombreux. [...] Si l'on compare l'inventaire actuel à des inventaires anciens, on voit qu'il y a des choses qui ont disparu, mais on ne sait pas trop dans quelles conditions. [...] Il n'a pas dû s'en perdre des quantités, mais, on ne retrouve pas un certain nombre d'objets caractéristiques comme certains harpons que l'on n'a plus revus après les dessins publiés à l'époque."
Quarante ans après cette expertise, comme un siècle après le début de l’affaire, les membres de cette commission viennent, enfin, de publier la totalité de leurs résultats, dans un livre au titre hermétique, Glozel, résultats des recherches effectuées entre 1983 et 1990 à la demande du ministère de la Culture, mais ouvrage passionnant.
Aujourd’hui, la culture matérielle de Glozel est considérée comme non authentique, et l’hypothèse d’une civilisation préhistorique originale se doit d’être écartée définitivement. Glozel appartient désormais à l’histoire et la sociologie de l’archéologie.
Vrai, faux, supercheries, ou affaire Dreyfus de l’archéologie, le magazine de l’archéologie de France Culture invite trois membres de la commission (1883), Jean Guilaine, Jean-Paul Demoule et Didier Miallier.
Quelques références bibliographiques
- Glozel : Résultats des recherches effectuées entre 1983 et 1990 à la demande du ministère de la Culture, sous la direction de Jean Guilaine et Didier Miallier, paru aux Presses universitaires Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, dans la collection Terra Mater, 2023.
- Résumé des recherches effectuées à Glozel entre 1983 et 1990, sous l'égide du Ministère de la Culture, par J.P. Daugas, J.P. Demoule, J. Guilaine, D. Miallier, P. Pétrequin, & J.C. Poursat, paru dans la Revue archéologique du centre de la France, 1995.
- Actes du XVIIè colloque "Glozel, 90 ans après, la vérité", par le Centre International d'Étude et de recherche, octobre 2014.
- Jean-Paul Demoule et Yann Potin préparent actuellement un livre sur l’affaire Glozel, à paraître en 2025, aux éditions de La Découverte.
- Dossier "Retour sur l'affaire Glozel", les carnets de la bibliothèque de la Maison de l'Orient et de la Méditerranée, 2016 (site Hypothèses).
- "Vrais et faux mystères à Glozel", Stéphane Foucart, Le Monde, 26/12/2007 (article complet réservé aux abonnés).
Pour aller plus loin
- À visiter, le musée de Glozel, à Ferrières-sur-Sichon (Allier). Celui-ci présente plus de 2 500 pièces d’argile cuite, de pierre et d’os, découvertes à partir de 1924. Ouverture tous les dimanches de 14h à 18h de juin à septembre inclus.
- À regarder, la vidéo de l'INA (2018), Glozel, l'affaire Dreyfus de l'archéologie.
- À signaler, un colloque (ouvert à tous et gratuit), Glozel et l’archéologie française au Pôle Universitaire de Vichy, est organisé par la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes et les archives nationales, les 12 et 13 décembre 2024.
- Programme des festivités du centenaire de Glozel, entre Vichy, Ferrières-sur-Sichon et Glozel (site de Vichy Communauté).
Pour aller encore plus loin
- Présentation de Jean Guilaine, sur le site du Collège de France, sur le site de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, sur Wikipédia. Son profil Radio France.
- À lire, Article "portrait" sur Jean Guilaine, Jean Guilaine, apôtre du Néolithique, juin 2019 (site du magazine l'Histoire).
- Page de la fondation Christiane et Jean Guilaine.
- Ses publications, sur Babelio et sur Cairn.info.
- Présentation de Jean-Paul Demoule, sur son blog et sa page Twitter (@JPDemoule), sur son site personnel et sa page wikipédia, et son profil Radio France.
- Ses publications, sur son site, sur Cairn.info, sur Research Gate et sur Persée.
- Présentation de Didier Miallier, sur le site du laboratoire CNRS IN2P3 de l'Université Clermont-Auvergne, sur le site du Comptoir des Presses d'Universités.
- Ses publications, sur Persée, sur Open Édition Journals, sur data Bnf, sur Open Edition Books.
- Page Wikipédia sur Glozel.