Vous êtes ici
Courriers assyriens : l'archéologie au pied de la lettre

Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, "L'Entretien archéologique" retrace les avancées de la recherche française et internationale, parcourt terrains, chantiers et laboratoires. À écouter le vendredi de 16h30 à 17h sur France Culture.
Une coproduction de France Culture et Inrap.
Avec Cécile Michel, assyriologue, directrice de recherche CNRS au Laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité
Les premières traces d'écritures datent d’il y a 5 000 ans et nous sont parvenues sur des tablettes en argile. Le site de Kültepe en compte plus de 22 000. Cécile Michel s'attèle à en déchiffrer le contenu, nous en apprenant plus sur les pratiques commerciales mais aussi sur la place des femmes.
Quand on voit des tablettes d’argile couvertes d’écriture cunéiforme et gravées il y a plus de 3 000 ans, on a souvent tendance à vouloir sacraliser l’objet et à le rendre porteur de textes de la plus haute importance.
Pourtant, traduire ces textes nous révèle généralement des informations beaucoup plus terre à terre sur le quotidien et les échanges des personnes qui les ont écrits et stockés.
A quoi pouvaient alors ressembler des échanges épistolaires conservés dans des quantités particulièrement importantes ? Que pouvaient par exemple se dire il y a près de 4 000 ans une femme et son mari-commerçant, qui vivaient à 1 000 kilomètres l’un de l’autre ?
C’est ce qu’on va voir aujourd’hui dans l’entretien archéologique grâce à des travaux récents qui ont scruté des tablettes gravées conservées dans des enveloppes d’argile scellées.
L’écriture cunéiforme permet d’écrire des langues mais aussi de faire des mathématiques
Les traces les plus anciennes d’écriture datent de 3400 avant J.C. en Mésopotamie quelques siècles avant les premiers hiéroglyphes. Cette écriture dite “cunéiforme” (qui vient de cuneus en latin signifiant coin ou clou) est composée de trois symboles, le clou vertical, le clou horizontal et la tête de clou que l’on combine pour construire l’écriture. L’écriture cunéiforme a été utilisée pour écrire une quinzaine de langues, et est aussi utilisée pour compter, en base 60, base qui est encore reprise aujourd’hui pour le décompte des minutes et secondes.

L’argile sert de support pour écrire, pratique pour effacer et s’exercer car remodelable à l’infini. L’autre avantage de l’argile est qu’une fois chauffée lors d’un incendie par exemple, l’argile cuit et se conserve, ce qui a permis aux archéologues de trouver plus d’un million de ces tablettes en argile. Le site de Kültepe, en actuelle Turquie, en recense plus de 22.000 et il s’agit terrain de prédilection de Cécile Michel, assyriologue.

Ce site est d’un intérêt particulier pour les assyriologues car il rend compte d’un phénomène de commerce à très grande distance entre les marchands de la ville d’Assur et la ville de Kültepe à plus de 1.000 kilomètres de distance. Les tablettes renferment de nombreuses informations sur les pratiques commerciales, les contrats, les biens transportés, les prix et même les premières traces d’évasion fiscale ! De plus, les marchands voyageaient seuls, laissant familles et proches à Assur, le seul moyen de communiquer était donc les échanges épistolaires. Ces échanges de “lettres” sur tablette en argile, nous permettent d'accéder à l’intimité des couples et le rôle des femmes dans ces sociétés, des témoignages rares car souvent perdus car n’étant pas destinés à être conservés.
Quelques ressources
Les lettres de Kanesh (Le Monde, 2024) par Stéphane Foucart
Ainsi parle Tarām-Kūbi, correspondances assyriennes, film documentaire avec la participation de Cécile Michel (CNRS, 2020)
La fraude fiscale : une histoire vieille comme le monde (Pour la Science, 2016) par Cécile Michel
La comptabilité des marchands assyriens de Kaniš (Revue Comptabilités, 2014) par Cécile Michel
2008 Dossier : femmes de marchands assyriens (Pour la Science, 2008) par Cécile Michel
Blog de Cécile Michel “Brèves Mésopotamiennes” (Le journal du CNRS)
Les références musicales
Le générique de début : Glue par Bicep