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Atlas archéologique de la France : la diffusion des produits venant du Nouveau Monde #3
Coédité par l’Inrap et les éditions Tallandier, l’Atlas archéologique de la France raconte un million d'années d'occupation humaine de l'Hexagone et des Outre-mer en 100 cartes inédites et 200 illustrations, issues de dizaines de milliers de fouilles et d’enquêtes archéologiques menées depuis plusieurs décennies. Bénédicte Guillot, archéologue Inrap, co-autrice de l'ouvrage, présente la carte des produits exotiques à la table des Français.
Produits exotiques à la table des Français à l’époque moderne. Atlas archéologique de la France, p. 281.
© Aurélie Boissière/Tallandier/Inrap
Que montre cette carte ?
Bénédicte Guillot : Cette carte résume les allers et retours des nouvelles marchandises qui rentrent dans les ports français depuis la « découverte » des Amériques au XVIe siècle. Il s'agissait de montrer comment l'intégration du continent américain transforme la société occidentale ; comment l'archéologie permet-elle d'observer la diffusion des nouvelles espèces qui débarquent tous les jours sur les grands ports et comment la société intègre-t-elle les nouvelles techniques de culture, d'élevage et les nouveaux goûts qui arrivent jusqu'à la table des Français.
Quelles denrées sont spécialement commercialisées entre la France et le continent américain ?
Bénédicte Guillot : Les denrées auxquelles on pense rapidement sont les pommes de terre, le tabac, le maïs ou le cacao mais il faut savoir qu'l faut attendre longtemps avant que la culture et le goût se développent en Europe pour ces denrées. Par exemple, l'archéologie ne montre l'apparition des chocolatières et des tasses à chocolat qu'à la fin de la période moderne. Le café lui se diffuse un peu avant.
Quel est le cas de la dinde ?
Bénédicte Guillot : C'est un cas très intéressant parce que, grâce à l'archéologie, on commence à comprendre comment la dinde est arrivée jusqu'à nous. Elle apparaît dans les festins royaux au cours du XVIe siècle, ainsi que dans la littérature, comme dans Gargantua, et on connait des mentions de parcs à dinde dans des châteaux, mais la découverte d'ossements apporte de nouvelles données. Des études ADN ont ainsi permis d'identifier une espèce venant d'Amérique centrale comme origine de tous les restes retrouvés en France. L'importation de cette nouvelle volaille passe donc par un circuit commercial très précis qui reste encore à préciser au fur et à mesure des nouvelles découvertes archéologiques.
Et la canne à sucre ?
Bénédicte Guillot : La canne à sucre est également intéressante parce que l'on observe d'abord une acclimatation du produit dans les Amériques, puis son exploitation sur place, avec en parallèle, le développement de l'esclavagisme pour faire tourner ces nouvelles industries. Le produit revient ensuite en France où il est transformé et où le goût pour le sucré devient une marque de richesse. La découverte de mobilier archéologique directement lié à la fabrication de sucre montre que, dès le début du XVIe siècle, les premières raffineries sont créées sur le territoire national pour produire du sucre dont la demande est de plus en plus importante : il est censé faciliter la digestion et ceux qui le peuvent en saupoudrent tous les aliments, viandes, poissons, légumes ou sauces.
Céramiques de raffinage : formes à sucre et pots à mélasse provenant de deux anciens greniers rouennais.
© Serge Le Maho, Inrap
Quelles données ont été utilisées pour établir cette carte ?
Bénédicte Guillot : Cette carte est à deux échelles, une première montrant les continents américain, européen et africain. Les flux de marchandises montrent l'importance des marchandises venant du Nouveau Monde, avec en parallèle la traite esclavagiste, et la localisation des espèces qui sont originaires du continent, qui y sont acclimatées pour le commerce et les espèces qui ne sont cultivées que pour le marché européen. Une seconde carte montre les découvertes archéologiques directement en lien avec le thème, dont la mise en évidence de vaisselle dédiée aux nouveaux mets. Les points sont donc issus des fouilles et/ou des travaux collectifs de recherches sur certains thèmes comme l'étude de la dinde ou de la fabrication du sucre. Il s'agit de domaines de recherches très récents, d'où l’impression d’un nombre restreint de découvertes, mais qui montrent la diffusion progressive de ces produits dits « exotiques ».
Récipients en terre vernissée du XVIIIe siècle. Originaires du Jura, ils ont été découverts sur le site du parc Saint Georges à Lyon (Rhône). Ils ont pu servir de cafetière ou de chocolatière.
© Alban Horry, Inrap