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Traitement des morts pendant la période contemporaine
Équipements funéraires et « fréquentation » des morts : les miroirs de l’évolution du culte aux XIX e et XXe siècles.
Dès le début du XIXe siècle, la réglementation oblige à une réorganisation dans la « gestion » des morts. Les cimetières quittent ainsi le centre des agglomérations, où ils étaient le plus souvent mitoyens des églises paroissiales, pour s’installer « hors les murs ».
C’est au XIXe siècle qu’apparaît la morphologie des cimetières telle qu’on la connaît aujourd’hui, organisée en quartiers et allées. Une « nécropole » au sens littéral du terme, autrement dit une « cité des morts ». Le signalement des tombes et l’habitat funéraire prennent des formes monumentales, et illustrent la société des morts dans toute sa complexité : groupement par famille, par tranche d’âge (tombes d’enfants…), par religion (quartiers juif, protestant…), par événement (carré d’anciens combattants), ou encore par métier.
La nécropole militaire française de Thiescourt
© Elisabeth Justome, Inrap
À ces restructurations, répondent de nouvelles formes de « fréquentation » des défunts, et donc de culte. Propice à la visite des vivants, le monument pérennise en outre l’image de l’absent à la manière d’un « mémorial ». Au point que la présence biologique du mort n’est pas toujours nécessaire : le « cénotaphe » (tombe sans corps) suffit alors au culte. Ce phénomène s’inscrit dans un mouvement caractéristique du XIX e et de la première moitié du XXe siècle, qui voit proliférer les monuments en tous genres, et s’achève avec la construction de nombreux monuments aux morts. À peine amorcé à la fin de la guerre franco-prussienne, le culte des « morts pour la patrie » connaît son apogée après la Grande Guerre : communes, paroisses, institutions se dotent alors de stèles, obélisques et arcs de triomphe en tous genres. À tel point que le monument aux morts devient indissociable du paysage français.
Quant à l’observation archéologique des dépouilles mortelles, habituelle en archéologie classique, elle s’avère de plus en plus délicate dès lors qu’on se rapproche du présent. Les fouilles de cimetières contemporains restent rares, hormis quelques exceptions dans la première moitié du XIXe siècle.
La fosse commune de Saint-Rémy-la-Calonne (Meuse) où reposait Alain Fournier, l'auteur du Grand Meaulnes, et vingt de ses compagnons d'arme, tous tués en septembre 1914. Fouille de 1991.
Photo publiée dans l'ouvrage L'archéologie de la Grande Guerre, Y. Desfossés, A. Jacques et G. Prilaux, coll. Fouilles et découvertes.
© Hervé Paitier, Inrap