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Réflexions pour l'histoire d'une Sardaigne islamique (VIIIe-XIe siècles)
Colloque international organisé par l’Institut national de recherches archéologiques préventives,
En partenariat avec Marseille-Provence 2013-Capitale européenne de la culture, le MuCEM et la Villa Méditerranée.
Du 11 au 14 septembre 2013, à Marseille, Villa Méditerranée et MuCEM.
Héritages arabo-islamiques dans l'Europe méditerranéenne - Archéologie, histoire, anthropologie
par Piero Fois, chercheur associé à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne
L'idée d'une île byzantine tout au long des VIIIe-XIe siècles, a mené les médiévistes à s'interroger particulièrement sur les spécificités politiques d'une région périphérique de l'empire d'Orient. Les vestiges de la domination militaire constantinopolitaine sur l'île - le limes de l'intérieur formé par les castra et voulu par Justinien dès 534 - et les objets du quotidien des aristocrates byzantins - les sceaux en plomb des VIe-XIe siècles - retiennent donc depuis les années 1980 l'attention des chercheurs. Dans ce cadre, les études sur la société insulaire de ces siècles sont inexistantes. La thèse, très répandue, d'un haut Moyen Âge sarde caractérisé par l'isolement politique, culturel et économique, ne facilite aucun changement de route par rapport au passé.
Or, l'Islam peut aider à sortir de ces vieux, bien que fertiles, chemins. L'histoire de la Sardaigne islamique ne peut en effet strictement pas être une histoire politique caractérisée par un isolement séculaire. Elle est plutôt une histoire sociale qui s'interroge sur des groupes culturels arabophones et musulmans établis sur le territoire insulaire depuis une date, comprise entre la première moitié du VIIIe et la fin du IXe siècle, qui est encore difficile à préciser. C'est ici le premier problème qu'il convient de se poser : les troupes de conquête arabo-musulmanes furent-elles entre 705 et 752/3 les premiers vecteurs de l'arabisation et de l'islamisation ? Les témoignages de ces deux processus en Sardaigne sont pourtant très claires dès l'époque postérieure. Les inscriptions funéraires et les graffiti-s en langue arabe découverts très récemment dans la basilique paléochrétienne de San Saturnino à Cagliari et datés aux IXe-Xe siècles, posent en ce sens une série d'interrogations nouvelles.
C'est le Midi sarde qui offre à présent les traces les plus évidentes de l'héritage islamique en Sardaigne au haut Moyen Âge. Si ces traces provenant tant de Cagliari que des ports de Nora, de Tharros et de Capo Malfatano, invitent à s'interroger sur des groupes culturels spécifiques, elles sont aussi les preuves de l'existence de deux Sardaigne-s avant l'an mil : une Sardaigne du Nord liée à l'Italie et, peut-être, à la Provence, et une Sardaigne du Sud intimement attachée au monde islamique, aux ports de Campanie et de Sicile. Ces sont donc les limites spatiales de la Sardaigne proprement islamique dans le Midi insulaire qu'il convient à présent de retracer.