Vous êtes ici
Marcel Proust « archéologue de soi-même »
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Nathalie Mauriac, directrice de recherche au CNRS (laboratoire ITEM - Institut des Textes Et Manuscrits modernes), arrière-petite-fille du docteur Robert Proust, frère de Marcel, et petite-fille de François Mauriac, Alain Schnapp, archéologue, professeur émérite à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et ancien directeur général de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA), Anne-Laure Sol, conservatrice en chef du Patrimoine, responsable des collections peintures du Musée Carnavalet-Histoire de Paris.
L’archéologie peut-elle être une des clefs de lecture majeures de l’œuvre de Marcel Proust, notamment A la recherche du temps perdu ? Très certainement !
Manuscrit de l'incipit d'"A la recherche du temps perdu" - Marcel Proust (1913)
• Crédits : Gallica / BNF
Afin de cerner cette étonnante et novatrice approche autour de Marcel Proust et l’archéologie, une chercheuse proustienne, entreprend de fouiller l’œuvre, un archéologue observe celle-ci, à l’aune de sa discipline.
Alain Schnapp "On sait que Proust a construit une esthétique de la mémoire qui est la mémoire des mots et la mémoire des pierres. Il a une conscience aiguë du rapport de l'un à l'autre."
Tout un chacun a eu loisir de lire la première phrase de Du côté de chez Swann : Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Ce que nous révèle Nathalie Mauriac est tout autre. Les épreuves de 1913 mettent en lumière la présence de l’archéologie dès l’incipit du premier livre d’A la recherche du temps perdu : « Longtemps je me suis couché de bonne heure Pendant bien des années, le soir, quand je venais de me coucher, je lisais une/quelques pages d’un Traité d’[A]rchéologie Monumentale qui était à côté de mon lit ; ». Pourquoi cette présence, puis cet effacement ? (cf. photo ci-dessus).
Incipit d'A la recherche du temps perdu (gros plan) avec les ratures et corrections de Marcel Proust (1913).
• Crédits : Gallica / BNF
Le temple de l'amitié caché entre les rues Jacob et Visconti, à Paris, que fréquentait Marcel Proust.
• Crédits : © Christian Chevalier
Un archéologue de terrain pourrait se retrouver aisément dans le titre « À la recherche du temps perdu ». C’est en 1913 seulement que Proust l’invente, sur les placards d’imprimerie du premier volume. Coïncidence peut-être, au même moment, dans l’incipit, il remplace le « journal » que lisait son narrateur par « un Traité d’Archéologie monumentale », puis « un Traité d’Archéologie ». Mais bientôt il ne restera plus là qu’un simple « livre », qu’il y soit question d’« une église, un quatuor, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint ». Effacer, c’est aussi une manière de reconnaître sa dette.
Chambre de Marcel Proust (vue générale) au Musée Carnavalet-Histoire de Paris
• Crédits : © Antoine Mercusot
Une Archéologie du lit de Marcel ?
Dans cette pérégrination archéologico-proustienne, une visite de la chambre de Marcel est entreprise, afin d’entrevoir si une archéologie de l’objet proustien pourrait être envisageable. Anne-Laure Sol, conservatrice en chef au Musée Carnavalet-Histoire de Paris, présente le lit de Marcel, lieu privilégié d’écriture et sur lequel devaient flotter des volutes de fumée issues des cigarettes pour asthmatiques.
Vue du lit de Marcel Proust (Musée Carnavalet-Histoire de Paris)
• Crédits : © Pierre Antoine
Samedi 31 août 1901, Marcel Proust adresse une lettre à sa mère « Hier, après que je vous aie écrit, je fus victime d’une crise d’asthme et d’un écoulement nasal intarissable, ce qui m’obligea à doubler le nombre de cigarettes antiasthmatiques que j’achetais à chaque débit de tabac. Et, le pire, je ne parvins à me coucher avant midi, après d’interminables fumigations (…) Récompensée à l’exposition universelle de 1900, la cigarette Louis Legras, est à base de datura, une violente plante hallucinogène, « l’herbe du diable » qui peut entrainer la dilatation des pupilles, confusion, hallucinations, cigarettes interdites après maints accidents dans les années 1992.
Avec Nathalie Mauriac, Directrice de recherche au CNRS (laboratoire ITEM - Institut des Textes Et Manuscrits modernes), arrière-petite-fille du docteur Robert Proust, frère de Marcel, et petite-fille de François Mauriac.
Alain Schnapp, archéologue, Professeur émérite à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et ancien Directeur général de l'Institut national d'histoire de l'art (INHA).
Anne-Laure Sol, conservatrice en chef du Patrimoine, responsable des collections peintures du Musée Carnavalet-Histoire de Paris.
Pour en savoir (encore) plus
- Page de Nathalie Mauriac Dyer (site ENS - laboratoire ITEM - Institut des Textes Et Manuscrits modernes).
- Pages d'Alain Schnapp (site wikipédia et ARSCAN - ARchéologies et SCiences de l'ANtiquité).
- Site du Musée Carnavalet - Histoire de Paris
- Page du musée Carnavalet sur l'exposition Marcel Proust, un roman parisien, du 16 décembre 2021 au 10 avril 2022.
- A lire, le début (article complet réservé aux abonnés) de l'article Je n’aurais jamais cru avoir l’émotion de voir ces feuillets de Proust un jour (Site de Libération), à propos des 75 feuillets retrouvés récemment.
- Page Facebook du Musée Carnavalet-Histoire de Paris
- Site de la boutique des Amis de Proust.
Compléments bibliographiques
« Proust à Cnossos ou le cosmopolitisme archéologique… », de Sophie Basch, in Du côté de chez Swann ou le cosmopolitisme d’un roman français, (éd. Antoine Compagnon et Nathalie Mauriac Dyer, Paris, Champion, 2016).
« Renaissances proustiennes » d'Antoine Compagnon, in Proust, 1913, Genesis, n° 36, 2013, PUPS. « Le “profil assyrien” … », Études de langue et littérature françaises (Kyoto), No. 28, 1997.
« Bidou, Bergotte, la Berma et les Ballets russes… » de Nathalie Mauriac Dyer, in Proust, 1913, Genesis, n° 36, 2013, PUPS.
Elle a récemment édité Les Soixante-quinze feuillets et autres manuscrits inédits, de Proust (Gallimard, 2021).