Vous êtes ici
Les sacrifiés d’El Niño
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Nicolas Goepfert, archéozoologue, chargé de recherches et directeur du laboratoire ArchAm (Archéologie des Amériques) au CNRS et Élise Dufour, maîtresse de conférences au Muséum national d'Histoire naturelle, au laboratoire Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements.
Entre 1400-1450, au Pérou, l’empire chimú a entrepris un gigantesque sacrifice d’enfants et de lamas sur une dune dominant le Pacifique.
C’est une des découvertes les plus incroyables de ces dernières années, réalisée dans un contexte totalement désertique, mais à quelques centaines de mètres de l’océan Pacifique, sur les rives nord du Pérou. Une découverte qui révèle des pratiques religieuses et des sacrifices au sein d’une société complexe, mais sans écriture, disparue bien avant l’arrivée des conquistadors espagnols.
Un gigantesque site sacrificiel
Huanchaquito-Las Llamas est un gigantesque site de sacrifice, donc à vocation rituelle : 140 enfants et 206 camélidés, innocentes victimes, y ont été immolés. Lamas et enfants sont séparés, mais parfois associés. 80% des lamas ont moins d’un an et ont été sélectionnés pour la couleur de leur robe : brune ou beige, parfois les deux, mais jamais blanche, noire ou grise, celles-ci étant réservées à un autre dieu. Ces lamas ont aussi consommé un dernier repas ritualisé et composé de piments, manioc et haricots. Les enfants, âgés de 4 à 15 ans, mais aussi trois adultes, ont eu l’aorte sectionnée, opération entraînant une mort très rapide.
Pourquoi de tels sacrifices ?
Pourquoi donc cet empire et les élites dirigeantes ont-ils orchestré un tel sacrifice ? Ces cérémonies sont des composantes centrales de la religion Chimú, et ce grand sacrifice, sur une dune dominant le pacifique, a, probablement, pour objectif d’apaiser les dieux. Pour autant, quel événement pourrait-il être la cause de ce sacrifice ? Les archéologues suggèrent l’arrivée d’El Niño, phénomène climatique qui produit des eaux marines très chaudes et entraîne des pluies diluviennes. Inondé, le sol du sanctuaire possède d’ailleurs des empreintes de lamas et d’enfants dans l’argile.
Les sociétés andines et mésoaméricaines, qu’il s’agisse, par exemple, des Incas ou des Mayas, sont des sociétés où le sacrifice tient une place capitale. Encore de nos jours, des lamas sont sacrifiés, preuve que cette pratique n’est pas un trait culturel propre à la société chimú.
L’empire Chimú
Probablement issue de la culture Moche, l’empire Chimú né vers l’an 900 et disparaît en 1470 sous le joug de l'invasion inca. Son dernier roi est alors exilé à Cuzco, capitale des conquérants. La Historia anónima de Trujillo, texte anonyme de 1604, relate l’origine des Chimús. Tacaynamo Il est le roi fondateur de leur capitale, Chan Chan, un des plus puissants complexes urbains de l’Amérique préhispanique, centre tout à la fois politique, administratif et religieux de plus de 20 kilomètres carrés, au centre d’un empire extrêmement centralisé.
Pour aller plus loin
- Présentation de Nicolas Goepfert, sur le site du laboratoire CNRS, ArchAm (Archéologie des Amériques). Portrait vidéo, 3 questions à Nicolas Goepfert (chaîne You tube de la médiathèque Pablo-Neruda de Malakoff).
- Ses publications, sur Academia, sur Cairn.info, sur Open Edition Journals, sur Research gate.
- Site du Laboratoire CNRS ArchAm de l'Université Paris 1 Pathéon-Sorbonne.
- Présentation de l'Atlas de l'Amérique précolombienne, co-rédigé par Nicolas Goepfert et Brigitte Faugère (éditions Autrement, 2022).
- Un article du CNRS, Le site péruvien Huanchaquito-Las Llamas reconnu grande découverte de la décennie (2021, CNRS Ile-de-France Meudon).
- Présentation d'Élise Dufour, sur le site du laboratoire CNRS/Muséum national d'Histoire naturelle, AASPE (Archéozoologie et Archéobotanique - Sociétés, Pratiques et Environnements), sur le site Research Gate.
- Ses publications sur Academia.
- Page sur le site de Huanchaco (wikipedia).
- A lire, un article sur le documentaire, Pérou, sacrifice au royaume de Chimor : un cold case archéologique (Émission Science Grand format sur France 5, février 2023).
- A regarder, une vidéo sur les rituels sacrificiels des Chimús (Chaîne you tube d'Euronews, 2011).