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Le Japon historique et ses marges
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Pierre-François Souyri, historien, spécialiste du Japon ancien et contemporain, professeur honoraire de l'Université de Genève et Laurent Nespoulous, archéologue, chargé de la direction du département d'études japonaises à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO).
Avec son État central et des périphéries très peu hiérarchisées, le Japon historique constitue-t-il un ensemble hétérogène ?
Les marges, un concept à géométrie variable ?
L’archéologie des marges est un sujet important, puisqu’il permet de mettre perspective, un centre et ses périphéries : l’empire romain et la Germanie, la Mésopotamie et les pays du Golfe, l’Égypte et la Nubie, les exemples sont innombrables. Le concept de centre et de périphérie se révèle cependant à géométrie variable, parce qu'il est affaire de point de vue : ainsi, on peut se demander ce qu'est le centre, et où s’arrêtent les marges, le sujet fait d’ailleurs débat dans le champ de l’historiographie. Il révèle toutefois une vraie dissymétrie, entre une entité et son pourtour, souvent dominé. Parce que les marges sont un thème peu évoqué, le magazine de l’archéologie les convoque au travers d’un très bel exemple : le Japon.
Le centre
Le Japon est avant tout un État, qui apparaît au cours des 7e et 8e siècles de notre ère. C’est durant cette période qu’un empereur (le Tennō) émerge au cœur d’un état centralisé. L’historiographie japonaise s'est d’ailleurs construite autour de cette expansion de l’État, laissant par là-même ses territoires marginaux. Une histoire, donc, au profit de son centre et laissant dans l'ombre de nombreux territoires, dont certains insulaires.
Très loin, au Nord et au Sud
L’île d’Hokkaidô, au nord et l’archipel des Ryükyü au sud, constituent les marges du pays.
L’île d’Hokkaidô est intégrée au Japon au 15e siècle, mais ne sera intégrée dans la souveraineté japonaise qu’à la fin du 19e siècle.
À l’extrême nord, dans l’île d’Hokkaidô, vivent des communautés Aïnoues. Il s’agit sans aucun doute de l’entité culturelle qui a suscité le plus d’intérêt, mais aussi de curiosité, puisque l’on y voyait les héritiers de la plus profonde préhistoire du Japon.
La culture aïnoue n’émerge qu’au 15e siècle, alors que diverses cultures - celle d’Okhostk puis de Satsumon - se sont préalablement développées.
Les communautés aïnoues ont été contraintes de se spécialiser dans des activités de chasse et de collecte dont les produits étaient destinés aux élites japonaises (fourrures de vison, plumes d’aigle, peaux de daim, saumon ou algues marines…).
Non loin de Taïwan, tout au sud, nous voici sur l’archipel de Ryükyü et son île principale Okinawa. L’agriculture, notamment celle du riz irrigué si fréquent au Japon, s’avère très tardive. Aujourd’hui, les habitants d'Okinawa revendiquent leurs différences culturelles avec le reste du Japon.
Avec son État central et des périphéries très peu hiérarchisées, le Japon historique constitue donc un ensemble hétérogène, né de processus de développement très différents, voire singuliers ; une histoire qui reste, en grande partie, à prendre en considération, puisqu’elle n'a pas encore intégré l’histoire nationale du pays.
Pour aller plus loin
- Présentation de Pierre-François Souyri : sur le site du département d'Études est-asiatiques de l'Université de Genève, sur Wikipédia, sur Babelio.
- Sa bibliographie sur le site Babelio.
- Présentation de deux de ses ouvrages significatifs sur le Japon, Nouvelle histoire du Japon (nouvelle édition), (éditions Perrin, octobre 2023), et Histoire du Japon médiéval (éditions Perrin, 2013).
- Son profil sur le site de Radio France (émissions auxquelles il a participé).
- Présentation de Laurent Nespoulous : sur le site de l'INALCO, sur le site de la maison franco-japonaise et sur le site de l'IFRAE (Institut français de recherche sur l'Asie de l'Est).
- Ses publications sur le site HAL.
- Présentation de l'ouvrage corédigé par Pierre-François Souyri et Laurent Nespoulous, Le Japon. Des chasseurs-cueilleurs à Heian, collection Mondes Anciens sous la direction de Joël Cornette (éditions Belin, septembre 2023).
- À lire et écouter, l'article Aux marges septentrionales du Japon, histoire et archéologie des Aïnous (Inrap, 2014).
Quelques références citées
- Page sur le Japon.
- Page sur les Provinces du Japon.
- Page sur le Japon paléolithique (culture du Mikoshiba...).
- Page sur l'époque d'Edo.
- Page sur les Kofun, grands monuments funéraires.
- Page sur Georges Montandon (1879-1944), médecin, anthropologue et ethnologue franco-suisse.
- Page sur André Leroi-Gourhan (1911-1986), archéologue, ethnologue et historien.