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« Le Chardonneret » à Esclavolles-Lurey
Au printemps 2016, les équipes de l’Inrap ont mené une fouille à Esclavolles-Lurey au lieu-dit « Chemin du Chardonneret » dans la Marne. Cette fouille d’une surface de 8050 m2 a permis la découverte de vestiges s’échelonnant du Paléolithique au haut Moyen Âge.
Les vestiges paléolithiques
Les premières traces de fréquentation de ce coteau de la vallée de la Seine remontent au paléolithique supérieur. Les indices de site de cette période sont plutôt rares dans la région et la découverte de quatre amas de débitage dans une dépression permet donc de documenter cette période ancienne. L’effectif, composé de 683 pièces lithiques, rend compte d’une fréquentation pouvant être associée à une halte de débitage. Les produits les plus nombreux sont en effet associés aux phases de mise en forme des volumes. La quasi absence de nucléus et le très faible nombre de pièces associées à l’entretien du débitage et de lames retouchées ou utilisées tendent à confirmer cette interprétation fonctionnelle.
Les vestiges néolithiques
Sur la fouille du Chardonneret, les vestiges datés du Néolithique ancien sont concentrés sur une petite surface de 17 m par 11 m. On y trouve les éléments d’une maison, ainsi que du mobilier céramique et lithique préservé dans une petite zone du niveau de sol à seulement 4 m au nord de la paroi nord. Les vestiges appartiennent à une ferme du Néolithique ancien, constituée d’une maison flanquée de part et d’autre de fosses d’extraction. De la maison il ne subsiste que deux lignes de tierces et peut-être quelques poteaux de paroi. Le bâtiment était orienté sud-ouest / nord-est, ce qui fait partie des orientations privilégiées dans le Bassin de la Seine. Il faut attendre ensuite plus de 1500 ans pour que des traces humaines significatives aient, à nouveau, été laissées sur cette parcelle. Il s’agit de tessons céramiques rattachés au Néolithique récent ou final et retrouvés lors du décapage. On note qu’ils sont concentrés sur une petite surface de 21 m sur 8 m, au centre de la fouille. Aucun creusement ne peut être rattaché avec certitude à cette phase.
Les vestiges romains
Ensuite, un chemin s’ancre dans le paysage au moins à partir du Ier siècle et pour près de vingt siècles. Il est établi parallèlement à pente et affiche des blocs de pierre de signalisation. La présence près de ces blocs de pierre, d’un micro-vase et d’une pièce pourraient être des indices ténus d’un culte de protection pour les voyageurs à moins qu’il ne s’agisse d’un viatique de bornage. Cet axe a connu plusieurs phases de modification.
Vestiges médiévaux
Enfin, le cœur du site est occupé par une importante nécropole comptant 182 individus, ce qui en fait à l’heure actuelle peut-être la nécropole rurale carolingienne la plus importante. Elle paraît avoir été créée concomitamment à l’abandon de la nécropole mérovingienne fouillée à 220m de là, à la « Pièce Becheret », par A. Remy (Inrap). La nécropole s’implante sur les niveaux les plus tardifs de la voie. Elle présente les caractéristiques habituelles de ce genre d’espace funéraire (gestion de l’espace, organisation en noyau contemporaine…) mais aussi des particularités spécifiques bien marquées (fosse surdimensionnée, orientation atypique et trace de crémation…). Le profil biologique de ce groupe laisse envisager une nécropole à recrutement naturel avec la présence de 33 hommes, 44 femmes et 108 enfants. La présence de ces derniers sur le site, sans être exceptionnelle, interroge. En effet, on note une très nette surreprésentation des enfants de 5-9 ans, alors qu’il s’agit d’une tranche d’âge généralement peu touchée par la mortalité. Du point de vue de l’état sanitaire, les individus présentent des traumatismes plus ou moins bien soignés, des arthroses marquées et de possible cas de tumeur osseuse et de tuberculose osseuse. Le mauvais état sanitaire associé à une importante mortalité infantile donne l’image d’une dégradation importante des conditions de vie à la période carolingienne.
Enfilade de tombes le long d’un axe de circulation.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap
Tombe double carolingienne.
© S. Desbrosse-Degobertière Inrap
Tombe carolingienne en cours de fouille.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap
Tombe carolingienne en cours de fouille.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap
Tombe en cours de démontage.
© S. Desbrosse-Degobertière, Inrap
Par la suite, la nécropole est abandonnée dans le courant du Xe siècle. Ce fait assez classique correspond à un recentrage des nécropoles autours des églises qui s’implantent massivement dans les campagnes.
Stéphane Sindonino, Inrap
Jan Vanmoerkerke, SRA
Guillaume Aubazac (technicien d'opérations), Fabrice Avival (topographe), Alessio Bandelli (archéozoologue), Jean-Jacques Bigot (Infographiste, DAO), Vincent Bionaz (technicien d'opérations), Hervé Bocquillon (spécialiste détecteur à métaux), Cécilia Cammas (spécialiste micro-morphologie), Marie-Caroline Charbonnier (spécialiste micro-morphologie), Esla Chiron (technicienne d'opération), François Coupard (technicien d'opérations) Nathalie Daviaud (technicienne d'opération), Jocelyne Deborde (technicienne d'opérations), Jean Debrosse (technicien d'opérations), Anne Delor-Ahü (céramologue), Vincent Desbrosse (Spécialiste néolithique) Mahaut Digan (Paléolithicienne), Gwenaelle Cabille (responsable de secteur), David Duda (Topographe), Benoit Filipiak (numismate), Sophie Grisard (topographe), Julien Grisard (technicien d'opération), Arthur Guiblais-Starck (technicien d'opération), Patrick Huard (topographe), Laurence Jego (technicienne d'opération), Anne Larcelet (spécialiste étude mobilier métallique), Christophe Laurelut (céramique néolithique ), Stéphanie Lecomte-Goujon (technicienne d'opération), Alexandre Monnier (céramologue), Cécile Paresys (anthropologue), Marie-Cécile Truc (spécialiste étude mobilier métallique), Sébastien Paris (technicien d'opération), Rodrigue Tsobgou Ahoupe (Paléolithicien), Virginie Peltier (technicienne d'opération), Pascale Verbrugghe (technicienne d'opération), Pascale Verdin (Phytolithe), Julia Wattez (spécialiste micro-morphologie).
Gwënaelle Cabille