A l'ouest du vicus de Boutae, qui a précédé la ville d'Annecy (Haute-Savoie), deux opérations conduites par l'Inrap ont permis de mettre au jour les vestiges d'une importante nécropole. La chronologie (Ve-VIIe siècle), la nature du mobilier et les caractéristiques des tombes tendent à indiquer la présence précoce d’une population burgonde.

Dernière modification
27 septembre 2024

Deux opérations d’archéologie préventive sur des parcelles mitoyennes, aux 41 et 39, avenue des Romains, ont été l’occasion d’intervenir pour la première fois dans un secteur de la ville antique de Boutae, connu pour abriter un très important ensemble funéraire.

Une petite ville antique

Durant l’Antiquité, Boutae est un vicus, une petite agglomération dépendant d’abord de la Cité de Vienne, puis de Genève. À partir de la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, la ville s'inscrit dans un triangle évalué à une trentaine d’hectares. Elle compte une place publique, assimilée à un forum, avec sa basilique, des thermes, un théâtre et des aires sacrées. Bien qu’en partie abandonnée durant l’Antiquité tardive, l’agglomération est encore occupée au début du haut Moyen Âge, comme en témoigne la présence de tombes de traditions « germaniques », signalées depuis le XIXe siècle, plus ou moins isolées au sein de l’habitat abandonné ou regroupées à l’ouest de la ville. L’abandon des espaces funéraires, à la fin du VIIe siècle, correspond à la disparition définitive de Boutae.

Bien qu’elle soit mentionnée depuis plus d’un siècle, la nécropole ouest restait finalement très partiellement documentée. Pour les érudits locaux, c’est là qu’étaient enterrés les habitants de l’agglomération depuis les origines du vicus jusqu’à son abandon. À l’issue des deux opérations archéologiques, conduites sur près de 1800 m², il est désormais assuré que cette nécropole, bien plus tardive qu’admis jusque-là, est en fait installée sur les ruines d’un quartier occupé du Ier à la fin du IIe siècle de notre ère. Plusieurs édifices ont pu être restitués, ainsi qu’une rue, parfaitement intégrée dans le réseau viaire urbain. Les ruines du quartier déserté sont finalement scellées par un remblai daté du IIIe siècle. C’est donc au sein de friches urbaines que sera installé le nouvel ensemble funéraire, à la toute fin de l’Antiquité.

L’ensemble funéraire

Deux cent vingt-sept sépultures ont été mises au jour. Ce nombre ne constitue qu’une fraction d’un bien plus vaste ensemble. À quelques exceptions près, les tombes sont orientées NO/SE. Elles présentent de nombreux types : coffrages de bois calés au moyen de matériaux de récupération divers, troncs évidés, coffrages alliant planches et matériaux non périssables, ainsi qu’un nombre important de coffrages en dalles de molasse. Une trentaine de sépultures étaient gratifiée de mobilier de qualité, porté ou volontairement disposé dans la fosse. Le mobilier appartient le plus souvent à un assemblage régional de tradition alamane, comme c'est le cas autour du Lac Léman et dans la vallée rhénane autour de Bâle.

Sans livrer un inventaire exhaustif, on peut signaler une dizaine de peignes décorés en os, de nombreuses perles en verre accrochées à des châtelaines ou portées en colliers, plusieurs boucles de ceinture ou fragments de plaques-boucle, boucles et ferrets de chaussures ou de jarretières en argent doré à grenats, bracelet en argent doré, un nécessaire de toilette en argent, et plusieurs fibules en argent rehaussées d’or. Cinq fibules ansées à digitation ont ainsi été découvertes, ainsi qu’une fibule représentant un oiseau de proie et un assemblage exceptionnel de trois paires de fibules en forme de chevaux. Deux armes sont inventoriées : une pointe de flèche et un scramasaxe, un long poignard à un seul tranchant, encore doté d’une partie de son fourreau en bois. Enfin, la découverte d’une jolie coupelle en verre ornée de filets blancs en arcades constitue une première régionale en contexte funéraire.

La datation de la nécropole, bien établie grâce au mobilier et au carbone 14, peut désormais être placée entre la deuxième moitié du Ve et la seconde moitié du VIIe siècle. Cette chronologie, la nature du mobilier et les caractéristiques anthropologiques sont autant d’indices sérieux pour assurer la présence précoce à Boutae d’une population burgonde, installée depuis 443 dans leur nouveau royaume, avec Genève pour capitale.

Aménagements : Haute Savoie Habitat et Ogic
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne – Rhône-Alpes)Recherche archéologique : Franck Gabayet, Inrap